En 2013, Mark O’Connell croise régulièrement un vieil homme arborant une vigoureuse crinière blanche dans les librairies dublinoises et sous les travées du Trinity College. Il croit d’abord reconnaître un ancien professeur de lettres, avant de comprendre avec effroi qu’il s’agit, en vérité, de Malcolm Macarthur, sorti de prison depuis peu. En 1982, ce dandy d’ascendance aristocratique avait défrayé la chronique irlandaise pour un double meurtre qui plongea le pays dans un scandale politique incongru – au moment de son arrestation, le coupable s’était réfugié chez le procureur général, qui était l’un de ses amis. Une affaire restée dans les mémoires sous l’acronyme « GUBU », pour « grotesque, unbelievable, bizarre and unprecedented » (« grotesque, incroyable, bizarre et sans précédent »).
Lettré, étrangement froid, Macarthur a inspiré le personnage principal du Livre des aveux (Flammarion, 1990), un roman de John Banville racontant son histoire, sur lequel Mark O’Connell a planché durant des années pour son doctorat en littérature. « Croiser cet homme dans la rue était comme voir une fiction surgir soudain dans le monde réel : un frisson étrange et fascinant à la fois, explique-t-il au “Monde des livres”, de passage à Paris. Il y avait quelque chose d’intéressant à creuser sur cette dissonance cognitive très particulière. »