La théière a renversé l’étiquette. Au temps où le cours du thé valait plus que celui de l’or aujourd’hui, elle se maniait du bout des doigts et paradait dans les salons bourgeois. Depuis que cette boisson est devenue la plus consommée au monde après l’eau, l’objet vit sa révolution sociale et ne se contente plus d’attendre dans les vitrines Empire.
La théière infuse pour la planète entière, fréquente les mugs, les open spaces et accepte même les sachets de thé premier prix. Elle pourrait presque laisser penser qu’elle se fiche des convenances, du moment qu’on la remplit et qu’on lui laisse le temps. Un bec, une panse, une anse, simple d’apparence, elle est pourtant le fruit de six siècles d’expérimentations et d’accidents de becs verseurs.
« Il n’y a pas de mauvaise théière », s’insurge Remy Parker, du Manoir des Arômes, à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), qui préfère douter de l’habileté de celui qui verse. Du grès de Yixing aux fontes japonaises qui gardent la chaleur, en passant par le borosilicate adapté aux fleurs de thé, ou la fine porcelaine anglaise, potiers, orfèvres et porcelainiers n’ont cessé de la travailler.
Celle dessinée par Annebet Philips pour la collection Carte blanche, de Serax, reproduit en céramique blanche un prototype en carton, pliures comprises, d’une première esquisse griffonnée, explique la designer danoise. Pour la contenance, elle a procédé à une moyenne des produits sur le marché, explique-t-elle. Remy Parker préconise un demi-litre si la théière est en céramique, moins pour les modèles en fonte, qui « peuvent vite être lourds ».
Le puriste conseille aussi d’en avoir une réservée au thé vert, une autre au thé noir et une autre au rooibos. Sinon, il faudra se résoudre à la laver entre chaque utilisation. Car la théière a de la mémoire. Après une tournée d’Earl Grey, elle pourrait transformer le goût d’un sencha délicat. Pour une vraie cérémonie du thé, avec maître et pavillon authentiques, direction le Musée Guimet, à Paris. « Il est recommandé d’apporter une paire de chaussettes et d’être habillé de vêtements amples pour être assis confortablement, à genoux ou en tailleur », est-il précisé.