Durant deux ans, en pleine pandémie de Covid-19, l’Australien Bradley Seymour et l’Italien Fabrizio Taliani ont délaissé la bulle milanaise dans laquelle ces créatifs travaillent habituellement, le premier comme directeur artistique dans la presse (passé par Marie-Claire ou Esquire), le second comme designer (chez Zegna ou Hugo Boss).

« Nous nous sommes installés dans la petite maison de la grand-mère de Fabrizio, à San Romano in Garfagnana, en Toscane, près de Lucques, racontent les quinquagénaires. Avec son jardin et, au-delà, la forêt bucolique et la vue sur les montagnes alpines. Ça a été pour nous une thérapie. » Et le point de départ de Rovi Lucca, label de mode indépendant pour mordus de jardinage.

Le premier mot renvoie aux mûriers sauvages (rovi, en italien), dont ils apprécient « le mélange entre la délicatesse des fleurs et le piquant des ronces » ; le second désigne Lucques, afin de préciser illico d’où ils s’expriment. « Etre dehors, bien vivre et cultiver ce qu’on sème : cette philosophie de vie devient aussi la définition du luxe qu’on propose », affirme Bradley Seymour.

De fait, leur prêt-à-porter élégant peut séduire ceux qui aiment plonger les mains dans la terre comme les flâneurs amateurs de nature. Vestes multipoches et pantalons en twill de coton, chemises en velours côtelé ou en lin irlandais, blousons en laine shetland, bob ajustable à l’aide d’un cordon, foulards noués et tabliers…

Si leur vestiaire peut toucher les horticulteurs de tous les continents, il s’ancre dans leur territoire. « Une région durablement marquée dans ses jardins par l’influence napoléonienne », soulignent-ils, la France ayant occupé la principauté de Lucques et Piombino de 1799 à 1814. Le duo s’inspire de ses visites dans les domaines alentour (le Palais Pfanner et sa villa Renaissance ou les vignobles Tenuta di Valgiano), emprunte pour sa palette les teintes de l’herbier du jardin botanique du coin, et fait doubler des vestes de filaticcio, un tissage typiquement lucquois.

Fabriquées par des manufactures toscanes pour la plupart, leurs collections sont vendues en petites quantités et sur commande. « Il faut compter deux mois de délai. Mais dans ce monde où chacun ne parle que de croître et croître encore, nous préférons ce système à la demande, durable et responsable. » Naturellement.