Un jour, Kiev se souviendra peut-être qu’un écrivain l’a tant aimée qu’il lui a consacré une fresque romancée singulièrement attachée au début du XXe siècle, au point de bascule, quand tout a commencé, quand les soviets ont pris le pouvoir. Après L’Oreille de Kiev et Le Cœur de Kiev (éd. Liana Levi, 2022 et 2023), voici donc Les Bains de Kiev, troisième volet d’un récit aux confins du fantastique décapant et de la réalité brute. En la matière, Andreï Kourkov excelle.
Certes, il vaut mieux avoir lu L’Oreille…, avant d’attaquer Les Bains… Sinon, rien ne prépare le lecteur à descendre en 1919, dans les rues sombres de la capitale ukrainienne, sur les pas de la Tchéka, la première police politique du tout nouveau régime bolchevique. Aucune introduction, aucun rappel, non plus, ne prépare le lecteur à suivre Samson Koletchko dans sa nouvelle enquête : trouver pourquoi 28 soldats de l’Armée rouge ont disparu en laissant leurs 28 uniformes accrochés dans les vestiaires du bania, le bain public populaire, né au IXe siècle dans la Rus’de Kiev, la plus ancienne entité politique commune à la Russie, à la Biélorussie et à l’Ukraine.