Le budget selon le RN, démagogie et incohérences

Les succès électoraux et les sondages favorables ont une contrepartie : un minimum de cohérence et de sérieux est réclamé de ceux qui se rapprochent potentiellement du pouvoir. Le Rassemblement national (RN) est loin de satisfaire cette exigence au cours de l’examen du projet de loi de finances qui se poursuit à l’Assemblée nationale. Jamais les propositions fiscales de l’extrême droite, devenue une force pivot, et ses votes, lors de ce débat budgétaire, n’ont été scrutés à ce point par les oppositions. En voulant donner des gages de sérieux et de transparence avec un « contre-budget » détaillé que la droite républicaine n’est plus capable de produire, les lepénistes s’exposent.

Voilà le RN alternativement sous le feu de la gauche, qui le juge complice d’une « oligarchie », du « socle commun » et du reste de la droite, qui critiquent son engouement pour les impôts nouveaux, et même du nouveau Prix Nobel d’économie Philippe Aghion, qui qualifie les dirigeants du parti de « grands amateurs (…) pas capables de gérer la France ».

Il y a, dans les critiques de la gauche comme de la droite visant le RN, une certaine dose de mauvaise foi. D’une part, parce que l’extrême droite n’a pas totalement abandonné certaines mesures visant à sanctionner ce qu’elle considère comme des excès du capitalisme financier. De l’autre, parce que ses propositions budgétaires comprennent bien plus de baisses d’impôts que de hausses. Mais si le contre-budget du RN fait l’objet d’autant de critiques, c’est qu’il met à nu les incohérences et les tiraillements de la politique économique du parti.

Convaincu que la voie vers l’Elysée passe par la conquête – déjà bien avancée – des retraités et aussi par celle du patronat, le binôme Jordan Bardella-Marine Le Pen façonne son programme de façon à satisfaire toutes les strates de l’électorat. Pour ne fâcher personne, le RN refuse de mettre à contribution les Français les plus riches, qu’ils soient actifs ou retraités, prônant une accélération de la « politique de l’offre » macroniste, dont il déplore par ailleurs les effets. Parallèlement, il maintient des promesses de baisse de fiscalité auxquelles tient son électorat populaire, alors que les principaux bénéficiaires en seraient les ménages les plus aisés et les héritiers.

Faisant mine de tenir à l’orthodoxie budgétaire, il promet, pour financer ces propositions, une saignée dans les dépenses de l’Etat, ignorant au passage ses effets récessifs et ses conséquences sur la place de la France en Europe et sur l’attractivité du pays. Quant au coup de rabot promis sur les associations, il cible les populations précaires, notamment les immigrés.

Dans ce salmigondis budgétaire aux accents poujadistes, chacun est invité à trouver des éléments de satisfaction. C’est aussi vrai à l’intérieur de ce parti attrape-tout, où Marine Le Pen s’efforce de contenter aussi bien les « populistes » qu’elle incarne, que les « libéraux » proches de Jordan Bardella. L’identité du candidat de l’extrême droite à l’élection présidentielle pourrait préciser son orientation sur ce point.

Mais, sans attendre, le rôle important revendiqué par le RN dans le débat budgétaire doit susciter une mobilisation de tous ses opposants. Sans jamais baisser la garde contre les fondamentaux xénophobes du parti, la lutte contre l’extrême droite passe par une analyse sans concession du reste de son programme, en particulier par la dénonciation de son irresponsabilité et de sa démagogie budgétaires.

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