Rarement un produit de mode aura suscité autant de listes, de classements et de comparatifs. Chaque hiver, le pull en cachemire est désormais décortiqué, testé, noté. En bref, passé au crible. Et chaque titre de presse délivre son propre palmarès. Du New York Times à Vogue, en passant par The Washington Post, qui s’interrogeait dernièrement : « Le cachemire bon marché vaut-il vraiment le coup ? On a testé. »
Sur TikTok, les cashmere experts prolifèrent et partagent leurs astuces pour reconnaître un tricot de qualité. Ils expliquent comment évaluer la densité de la maille ou encore repérer les signes d’un fil trop court qui boulochera rapidement.
Longtemps synonyme de rareté, le cachemire a vu son image se transformer à mesure que la fast fashion s’y est intéressée. Son accessibilité récente (Uniqlo, connu pour ses prix abordables, est arrivé en France il y a dix-huit ans) a fait exploser la demande mondiale, mais a aussi brouillé les repères sur ce qui distingue un cachemire haut de gamme d’un produit faisant illusion. Les différences de prix, parfois vertigineuses, interrogent sur la véritable valeur de cette fibre animale, obtenue à partir du duvet de chèvres cachemires, élevées dans des régions froides d’Asie.
Dans cette nébuleuse, Quince, la marque américaine de dupes (imitations de produits de luxe), s’est fait un nom en affichant sans scrupule des tableaux comparatifs, qui vont jusqu’à citer directement des articles équivalents, mais plus chers, d’autres enseignes – une pratique interdite en France. Elle promet ainsi, par exemple, un pull en baby cashmere de Mongolie dix fois moins coûteux que son original signé Loro Piana.
En 2024, le marché mondial du vêtement en cachemire était évalué à environ 3,48 milliards de dollars (3 milliards d’euros) et devrait atteindre 4,86 milliards (4,19 milliards d’euros) d’ici à 2032. Une croissance qui s’accompagne d’une offre pléthorique : coatigans (pardessus mi-cardigans mi-manteaux), tee-shirts, robes, chaussettes, mais aussi culottes (griffées Miu Miu)… Malgré tous ces efforts de diversification, le pull reste la pièce la plus convoitée.
Et, de même qu’il existe des manières plus ou moins tendance de porter son sac, on trouve, sur les podiums, différentes façons d’arborer son sweater. Autour du cou mais retenu par une broche (The Row), façon grosse écharpe posée sur un blazer (Tom Ford) ou châle asymétrique (Acne Studios). Erigé en symbole du luxe discret, présenté comme une estampille de « bon goût », le cachemire est devenu un label à lui seul.
Car le terme s’invite désormais au-delà des vestiaires : on parle de cashmere kitchens pour désigner des intérieurs de cuisine aux tons doux et feutrés, de cashmere hair pour décrire une chevelure subtilement nuancée et soyeuse ou encore de cashmere perfumes pour évoquer des fragrances musquées et enveloppantes. Et même de cashmere moment, dans l’idée d’exprimer une sensation de calme et de confort. Preuve que les vertus du cachemire sont devenues un argument de vente à part entière.