Face à la guerre à ses frontières orientales, à l’affaiblissement du lien transatlantique et à la montée en puissance des régimes autoritaires, l’Union européenne vit un moment d’urgence stratégique. Si elle veut préserver son autonomie, elle doit renforcer ses capacités de défense, en particulier dans les technologies militaires de nouvelle génération. Faute d’agir, l’Europe restera vulnérable aux pressions extérieures – économiques comme géopolitiques – et dépendante des Etats-Unis et de la Chine. A terme, c’est la survie même du projet européen et de ses valeurs fondamentales qui serait menacée.
Dans le même temps, la domination écrasante des marchés de capitaux américains illustre une autre fragilité européenne : celle de son architecture financière incomplète. Une Europe stratégiquement faible et financièrement fragmentée ne peut pas peser dans un monde où la puissance se mesure par les capacités technologiques et militaires et les flux de capitaux.
Nous proposons la création d’une nouvelle architecture européenne pour la défense du futur – un cadre à la fois technologique, industriel et financier – permettant d’atteindre une autonomie stratégique et de favoriser l’intégration des marchés financiers européens.
Cette initiative, distincte des efforts militaires liés à l’Ukraine, pourrait être portée par une coalition de pays volontaires agissant rapidement. Elle viendrait compléter les initiatives de la Commission européenne, sans se substituer aux dépenses militaires traditionnelles (personnel, munitions, chars, etc.). Son objectif est clair : développer la souveraineté européenne dans les technologies de défense de nouvelle génération (cloud militaire, constellations satellitaires, drones, boucliers aériens, robotique, intelligence artificielle, informatique quantique, cyberdéfense et traitement des minerais critiques).
Ces technologies, à double usage civil et militaire, constituent le cœur de la sécurité et de la productivité futures. Or, leur développement ne peut se faire à l’échelle nationale, il exige une échelle européenne : la fragmentation actuelle des dépenses entraîne duplications, inefficacités, surcoûts, retards et, in fine, dépendance quasi totale vis-à-vis des Etats-Unis. Dans un monde où la guerre se joue autant dans le cloud que sur le champ de bataille, cette fragmentation et le manque de force de frappe technologique d’une Europe sans capacité budgétaire deviennent une faiblesse existentielle. Elle sape les piliers de la puissance commerciale et réglementaire de l’Europe, qui se retrouve sans pouvoir de négociation.