Le président russe, Vladimir Poutine, vient de réaliser l’un de ses rêves les plus chers : compromettre les Etats-Unis dans son entreprise de démolition du droit international. Tel était l’objectif principal du « plan Witkoff », que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a été sommé par son homologue américain, Donald Trump, de signer d’ici au 27 novembre – il fait en ce moment l’objet de pourparlers. A l’évidence, ce plan a été rédigé au Kremlin. Il reprend tous les buts de guerre formulés par Poutine en 2022.
Même s’il est clair qu’il ne sera pas appliqué tel quel, son intérêt est ailleurs : il lève le voile sur les orientations futures de la politique du Kremlin et sur la manière dont le cercle de Poutine voit l’avenir. Certains points, qui n’ont pas suffisamment retenu l’attention des observateurs occidentaux, méritent en ce sens d’être décryptés.
Commençons par le point numéro 2 : « Un accord global de non-agression sera conclu entre la Russie, l’Ukraine et l’Europe. Toutes les ambiguïtés laissées en suspens ces trente dernières années seront considérées comme réglées. » Un historien n’aura aucun mal à dresser une liste des pactes de non-agression violés par Moscou depuis le pacte de non-agression soviéto-finlandais signé en 1932.
Mais la phrase concernant les « ambiguïtés (…) réglées » donne à réfléchir. Il semble que ce soit une invitation des Russes aux Ukrainiens et aux Européens à passer l’éponge sur leur comportement de ces dernières années et à remettre le compteur à zéro. Oubliés le chantage gazier exercé sur l’Europe, les menaces d’apocalypse nucléaire, les centaines de milliers de morts en Ukraine : on ne pense plus qu’au « reset ». Les Russes comptent une fois de plus sur l’amnésie occidentale, qui ne leur a jamais fait défaut.
« Il est attendu que la Russie n’envahisse pas les pays voisins », annonce le point 3. De qui se moque-t-on ? Les conditions de désarmement imposées à l’Ukraine et l’opposition russe à une présence militaire européenne en Ukraine montrent bien que la Russie compte avoir affaire à une proie facile lors de la prochaine opération de « libération » du territoire ukrainien. Les Etats-Unis et l’Ukraine doivent reconnaître de facto « la Crimée, Louhansk et Donetsk comme des régions russes ». Le point 22 précise que « la Fédération de Russie et l’Ukraine s’engagent à ne pas modifier ces dispositions par la force » : impudente référence aux accords d’Helsinki, que la Russie vient de piétiner démonstrativement.