« Le sexe est un art privé et une affaire privée. Mais c’est tout de même un sujet dont nous devons parler. » La plus célèbre des sexologues américaines, Ruth Westheimer, que les Américains appelaient simplement « Dr Ruth », est morte vendredi 12 juillet à son domicile à New York, a annoncé son ami Pierre Lehu. Elle avait 96 ans.
Cette petite femme d’1,40 m, qui revendiquait des « valeurs démodées » et se voyait comme une personnalité « un peu carrée », était devenue une icône pop ainsi qu’une star des médias grâce à son franc-parler sur la vie sexuelle, sujets longtemps tabous.
Née Karola Siegel en 1928, fille unique d’Irma et de Julius Siegel, un couple de juifs orthodoxes de Francfort (Allemagne), cette rescapée de la Shoah aura vécu en Palestine sous mandat britannique, où elle reçoit un entraînement de tireur d’élite au sein de la principale armée secrète du futur Etat d’Israël, puis à Paris avant d’émigrer aux Etats-Unis, où elle gardera toujours son accent allemand et sa voix rieuse.
Après avoir étudié la psychologie à Paris, puis la sociologie à New York, le docteur Ruth Westheimer, trois fois mariée, voit sa carrière médiatique décoller au tournant des années 80 avec le succès de son émission de radio « Sexually Speaking » dans laquelle elle distille ses conseils déculpabilisant sur la vie sexuelle, mêlant humour et absence de jugement. Le très sérieux Wall Street Journal la décrira comme « l’enfant naturel de Minnie Mouse et d’Henry Kissinger ».
Elle rejetait notamment l’idée d’une sexualité qualifiée de « normale », avançant que tout ce qui se passait entre deux adultes consentants dans l’intimité était parfaitement acceptable. Une idée qui, lors de l’émergence de l’épidémie de VIH dans les années 1980, était alors loin d’être partagée.
Dans le sillage du mouvement #metoo, certains ont rejeté certaines positions de la sexologue sur le consentement. Celle-ci disait notamment au Guardian en 2019 : « Personne n’a à être tout nu au lit, si cette personne n’est pas décidée à faire l’amour ».
Autrice d’une quarantaine de livres et presque autant de best-sellers, dont Le Sexe pour les Nuls, traduit en 17 langues, Ruth Westheimer, qui considérait Freud « comme sexuellement analphabète », espérait « avoir convaincu les Américaines d’assumer la pleine responsabilité de leur satisfaction sexuelle ».