« Maman, Daddy,

Je vous écris cette lettre pour vous faire part de quelque chose qui me ronge depuis trop longtemps… »

Des mois que Thomas songe à ce texte, qu’il en imagine le contenu, fait tourner chaque phrase dans son esprit. Le Marseillais de 31 ans, qui, comme les autres personnes désignées par leur seul prénom, a requis l’anonymat, le sent : c’est le moment. L’année écoulée a été compliquée, notamment lors des réunions familiales : « Je ne pouvais plus faire semblant d’être heureux, alors que je n’avais pas dit ma vérité. Il fallait que ça change. Que je ne sois plus seul à ressentir le mal. »

Quand il s’installe devant son ordinateur, ce jeudi 4 septembre 2025, il sait exactement ce qu’il veut dire : « Exposer les faits. Poser les mots, noir sur blanc. » Après une courte introduction, il écrit : « De l’âge de 8 ans jusqu’à mes 14-15 ans, j’ai subi des violences sexuelles de la part de mon grand frère. » Il détaille ensuite le « tourbillon » des actes auxquels son frère, de sept ans son aîné, l’a soumis : masturbations forcées, fellations, pénétrations… Deux pages. Deux pages pour « enlever ce poids ». Il conclut : « J’ai trop tu cette histoire pour le bien de la famille, mais je me rends compte que, plus je garde ça pour moi, plus cela affecte nos relations. Je suis là pour répondre à toutes vos questions. Je vous aime. » A la liste des destinataires, il ajoute ses tantes et sa sœur, qui a subi les assauts du même bourreau. A 17 h 05, il appuie sur « envoi ».