Quatre romans, trois biographies, deux essais d’histoire, un de philosophie, un recueil d’essais littéraires, un récit… Voici les brèves critiques de douze ouvrages notables en cette quarante-neuvième semaine de l’année.
Pour l’éditeur et biographe Jean-Luc Barré, Charles de Gaulle (1890-1970) était une affaire qu’on pouvait croire réglée par la parution, en 2003 chez Perrin, de son Devenir de Gaulle, centré sur trois années, du départ en Angleterre jusqu’à sa prise de contrôle du premier gouvernement en exil en novembre 1943. L’essentiel s’était joué durant cette période.
Mais à la condensation succède l’amplification : de Gaulle raconté en trois tomes. Il n’en faut pas moins pour celui dont le rythme ternaire était le principal fait de style. Le premier tome de De Gaulle, une vie (Grasset, 2023) s’interrompait à la Libération de Paris. Paraît aujourd’hui le deuxième, consacré au versant le moins héroïque, celui des affaires courantes. De Gaulle vivait de mystique ; le voici tout à la politique, qu’il méprise – du moins le clame-t-il.
Janvier 1946. Le Général se retire, se tenant désormais au-dessus des partis qu’il juge responsables de tous les maux de la France : il ne retrouvera un pouvoir sans partage qu’en 1958, en pleine crise d’Algérie. Toutefois, la même histoire peut se raconter autrement : en créant en 1947 le Rassemblement du peuple français (RPF), de Gaulle s’est mué en chef de parti, obnubilé par une agitation politique dont il sut tirer profit lorsque l’occasion s’en présenta.
La biographie de Barré, qui se lit d’une traite, a ceci de passionnant qu’elle révèle l’impossibilité de se faire le biographe de Gaulle sans être ventriloqué par lui. Car de Gaulle n’a qu’un but et ne parle que d’une chose : sa légitimité, hors institutions. Y adhérer, comme le fait le biographe (tout en rectifiant certains faits), c’est ordonner l’histoire de France autour de la geste gaullienne. S’en démarquer, ce serait en questionner la foi patriotique. Barré n’en a garde. J.-L. J.