Le 28 novembre, l’armée israélienne a mené une opération en territoire syrien, entraînant la mort de 13 civils. Cette tragédie n’a pas empêché les manifestations de se tenir dans de nombreuses villes, célébrant l’anniversaire de l’opération militaire lancée un an plus tôt par Hayat Tahrir Al-Cham (HTC) et ses alliés, et qui avait entraîné la chute de Bachar Al-Assad.
Dans ces rassemblements, pas un mot, ou presque, pour les morts du matin même. Ce qui, en revanche, s’y exprimait avec force, c’étaient les slogans hostiles aux Druzes, aux alaouites et aux Kurdes, et les menaces à peine voilées à leur encontre. A Idlib, sur la place principale, un proche du nouveau pouvoir a appelé depuis la scène à « l’écrasement » de toutes les minorités opposées au régime naissant.
Peu nombreux sont ceux qui témoignent de tout cela : les anciens activistes prorévolution préfèrent mettre en avant les rares slogans d’unité hérités de 2011. Comment en est-on arrivé à une telle situation ?
Après la chute d’Al-Assad, il aurait fallu commencer par panser les plaies béantes laissées par treize années de guerre. Il était prévisible que la communauté alaouite dans son ensemble serait tenue pour responsable des crimes d’un régime dirigé par l’un des siens. Mais le gouvernement de transition, obsédé par le contrôle total du pays, n’a jamais entrepris ce travail de guérison.
Le président par intérim, Ahmed Al-Charaa, s’est arrogé de vastes pouvoirs par une déclaration constitutionnelle qu’il bafoue régulièrement. Il a organisé un « débat national » qui n’a duré que quelques heures, dérisoire après plus d’une décennie de guerre confessionnelle. Il a créé une commission de réconciliation incluant d’anciens criminels, et une commission de justice transitionnelle chargée de juger les seuls crimes du régime Al-Assad.
Cette succession de mesures ressemble moins à une démarche politique qu’à un catalogue rédigé par des conseillers en communication, destiné à donner l’illusion d’un pays en marche. Les fractures sociales, notamment confessionnelles, restent béantes. La communication du gouvernement, aussi sophistiquée soit-elle, ne parvient pas à masquer la réalité d’un pouvoir qui cherche avant tout à s’imposer par la force.