Quelques jours avant le grand week-end de Thanksgiving, fin novembre, Sean Duffy, secrétaire aux transports américain, s’est fendu d’un discours pour le moins inattendu, s’en prenant ouvertement aux pyjamas dans les aéroports.
En costume bleu et cravate bordeaux, il a exhorté les voyageurs à « s’habiller avec respect ». « Un jean et une chemise correcte suffisent. J’encourage les gens à s’habiller un peu mieux ; cela nous inciterait peut-être, aussi, à nous comporter un peu mieux. Essayons de ne pas porter des chaussons et des pyjamas à l’aéroport », a-t-il ajouté, alors que le pays sortait tout juste d’un shutdown de quarante-trois jours qui avait laissé des milliers de contrôleurs aériens sans salaire et causé d’importantes perturbations.
Son intervention était accompagnée de la diffusion d’un court film, L’âge d’or du voyage commence avec vous, mêlant des images d’archives de voyageurs des années 1950 et 1960 vêtus de costumes et de chapeaux élégants à des extraits actuels montrant des bagarres en vol, des comportements désordonnés et des passagers en legging ou pyjama.
Sans surprise, cette intervention a déclenché de vives réactions sur les réseaux sociaux et dans le monde politique américain. Gavin Newsom, le gouverneur de Californie, a aussitôt réagi en partageant une photo du ministre de la santé du gouvernement Trump, Robert F. Kennedy Jr, marchant pieds nus dans les allées d’un avion. Sara McGee, candidate démocrate à la Chambre des représentants du Texas, a, quant à elle, promis de ne plus porter que des bas de pyjama en avion.
Pourtant, depuis quelque temps déjà et n’en déplaise à ses détracteurs, le pyjama s’affiche en ville, bien loin de l’espace domestique. Depuis la pandémie de Covid-19 et les confinements, les frontières entre l’intime et l’espace public se sont sensiblement brouillées. Si bien que les podiums donnent aujourd’hui une place de choix à cette tendance du dedans vers le dehors – comme il existe une tendance du « dessous dessus » qu’illustrent robes lingerie et soutiens-gorge apparents.
Ce vêtement de nuit est même devenu un outil de rébellion. L’an dernier, le New York Times rapportait ainsi que de plus en plus de jeunes Chinois se présentaient au travail vêtus de pyjamas douillets – un signe de protestation silencieuse visant à attirer l’attention sur leur épuisement.
Porter un pyjama peut, qui plus est, se révéler être bien plus chic que ne le laisse penser sa fonction première. Posée sur un pull à col roulé, une veste de nuit peut ainsi faire office de costume ou se transformer en chemise élégante. Paradoxalement, cet attachement au pyjama apparaît comme inversement proportionnel au (peu de) temps que nous consacrons à dormir. Alors que notre dette de sommeil ne cesse de croître, que l’on parle même d’une « épidémie de fatigue », nos vêtements de nuit, eux, débordent d’énergie pour coloniser nos journées.