Joe s’est résolu à pousser la porte pour la première fois, début décembre. Ce New-Yorkais de 29 ans (qui n’a pas souhaité donner son nom comme les autres témoins cités par leur prénom), assis à une table de la « cuisine communautaire » de Harlem Sud, à Manhattan, savoure un chili fumant. Habituellement serveur, il n’a pour l’heure plus d’emploi. « Les prix de la nourriture ne font que monter », se désole-t-il. Alors il a fini par chercher sur Internet et est tombé sur l’adresse de ce restaurant solidaire qui sert plus de 500 personnes par jour. Il est géré par Food Bank for NYC, la plus grosse association d’aide alimentaire de la ville. Selon les chiffres du rapport annuel, quelque 1,3 million d’habitants, sur les 8 millions que compte l’agglomération la plus riche du monde, bénéficient d’une façon ou d’une autre d’une assistance de cette organisation.
Le shutdown, la fermeture des services de l’administration fédérale pendant quarante-trois jours, d’octobre à la mi-novembre, a mis en lumière cette triste réalité américaine. Dans la première puissance économique mondiale, 41 millions de personnes, soit 12 % de la population, dépendent de coupons alimentaires, versés par l’Etat, pour manger à leur faim tous les jours.