Quel personnage ! Plus on découvre Alexandra David-Néel (1868-1969), plus sa singulière étrangeté surprend. Anarchiste, féministe, mystique, cantatrice, mais aussi franc-maçonne, bouddhiste, exploratrice, aventurière, elle paraît se mouvoir dans un roman d’un autre temps. L’Europe de sa jeunesse, à la fin du XIXe siècle, se passionne pour l’Asie, ses doctrines et ses sagesses. L’héroïne décide d’aller les découvrir, sur place, par elle-même. Elle rêve bientôt de les faire connaître aux Occidentaux, en divulguant leur réalité vécue et leur présence contemporaine, loin des traductions austères de textes anciens.
La jeune femme ne manque ni d’ardeur ni d’obstination, mais pas non plus de naïveté et de narcissisme. Sa trajectoire, admirée ou controversée, a donc pu sembler sincère ou frelatée, fiable ou démesurée. Son parcours n’en demeure pas moins étonnant. Et encore méconnu, pour une part. Si ses longues années de voyage au Tibet, à partir de 1912, sont devenues célèbres, on sait fort peu de choses de ses précoces périples en Inde, dès 1891-1893 et 1895-1896. Le nouveau volume de textes inédits choisis et présentés par Françoise Bonardel, qui a déjà consacré plusieurs publications à cette nomade, éclaire sa face cachée et en fait saisir la portée pour aujourd’hui.