Lou Jeanmonnot rêvait d’évoluer au sein d’une équipe de France féminine de biathlon unie, sereine. « Que ce soit comme quand j’étais cadette, que j’aille à l’entraînement avec des copines, et heureuse d’y aller », a-t-elle développé, vendredi 12 décembre, au micro de La Chaîne L’Equipe, après sa victoire sur le sprint de l’étape de Coupe du monde d’Hochfilzen (Autriche). Mais « ce n’est pas le cas », précisait dans la foulée la Jurassienne de 27 ans.
Car une affaire extra-sportive, révélée début juillet 2023, pollue depuis plusieurs années le quotidien des Bleues, sans toutefois que le sujet ne se soit invité jusque-là dans les paroles publiques des athlètes : le vol et l’utilisation frauduleuse de la carte bancaire d’une des membres du groupe, Justine Braisaz-Bouchet, par sa coéquipière Julia Simon, lors d’un stage en Norvège à l’été 2022. Ces faits, dont a aussi été victime une kinésithérapeute de la sélection, la mise en cause les a longtemps niés, avant de les reconnaître, le 24 octobre, devant le tribunal d’Albertville.
Julia Simon ne prendra pas part au relais dames, samedi à 14 h 15, dans la petite station du Tyrol. L’encadrement de l’équipe de France ne l’a pas retenue dans le groupe. Une décision logique sur le plan sportif. La décuple championne du monde et lauréate du gros globe 2023 – qui sacre la meilleure biathlète de la saison au classement général de la Coupe du monde –, a manqué la première étape du circuit à Ostersund, en Suède (du 29 novembre au 7 décembre). En cause : une suspension d’un mois, prononcée par la commission de discipline de la Fédération française de ski, dans la foulée de sa condamnation à trois mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende dans ce dossier.
De retour sur la piste et le pas de tir à Hochfilzen, elle a terminé 19e du sprint, derrière quatre de ses compatriotes – Lou Jeanmonnot, vainqueure donc, Camille Bened (6e), Justine Braisaz-Bouchet (15e) et Jeanne Richard (16e) – sélectionnées pour l’épreuve du jour. Et La Savoyarde concédait sans ambages : « c’est difficile de récupérer un train qui est déjà en marche. Je sens que je manque énormément de rythme. J’ai eu du mal à me mettre dedans et du mal aussi à finir. Je me suis beaucoup entraînée à la maison, mais ce n’est jamais pareil. Rien ne rivalise avec un dossard. Et tant qu’on n’a pas cette adrénaline et cette pression qui m’a coupé les jambes au début, on est dans le flou. »
Les Bleues semblaient avoir réussi, jusque-là, à passer outre cette affaire. Julia Simon avait bien semblé isolée, le 12 février 2023, lorsqu’elle avait remporté son premier titre de championne du monde de la poursuite à d’Oberhof (Thuringe), ne recevant l’approbation que de la seule Sophie Chauveau, 9e ce jour-là. Reste que l’équipe de France s’était adjugé les titres mondiaux en relais à Nove Mesto, en République tchèque, en 2024 à et à Lenzerheide, en Suisse, en 2025, alors que Justine Braisaz-Bouchet et elle figuraient dans le collectif.
De quoi faire dire, début octobre, au patron du biathlon tricolore, Stéphane Bouthiaux : « les filles ont été suffisamment intelligentes pour mettre leurs problèmes privés de côté sur tous les stages et tous les entraînements et de s’entraîner, et de faire en sorte que sportivement parlant, ça se passe très bien. »
Les mots de Lou Jeanmonnot ce vendredi sont pourtant venus rappeler qu’une ambiance pesante perdure. « C’est lourd, ce n’est pas comme ça que j’aurais voulu vivre ma carrière en équipe de France A (…) Mais on a appris à faire avec », a déclaré celle qui a terminé 2e du classement général des deux dernières Coupes du monde.
Interrogée en marge d’une session de préparation à Bessans (Savoie), à la mi-novembre, Justine Braisaz-Bouchet avait dit œuvrer « pour faire la part des choses entre le terrain et ce qui peut être de l’ordre de l’extra-sportif ». « Ce n’est pas toujours simple parce que je suis humaine et qu’il y a des choses qui sont dites ou écrites qui sont injustes et mensongères, parfois diffamatoires. Ça touche sur le moment. J’essaie de prendre du recul par rapport à tout ça et je me dis que c’est aussi la façon dont fonctionnent les réseaux [sociaux] », exposait alors la championne olympique en titre de la mass-start.
C’est justement ce qui semble avoir ravivé les tensions, au point de voir Lou Jeanmonnot s’exprimer directement sur le sujet : les répercussions sur sa coéquipière qui « paie beaucoup trop cher des choses dont elle a été victime à un moment donné », évoquant notamment des menaces de mort à l’encontre de la fille de Justine Braisaz-Bouchet.
A défaut de pouvoir définitivement tourner la page de « l’affaire Julia Simon », l’équipe de France féminine va devoir trouver une manière de gérer cette situation délicate à l’approche des Jeux olympiques de Milan-Cortina (6 au 22 février), en Italie, pour lesquels elle peut nourrir de grandes ambitions, notamment sur le relais dames.