Pourquoi se scandaliser de l’arrivée de Shein au BHV, à Paris, mais accueillir à bras ouverts les panneaux solaires et les éoliennes chinois ? Pourquoi se sentir piégé par les restrictions imposées par Pékin à l’exportation de terres rares, alors qu’on se félicite depuis trente ans, en Europe comme aux Etats-Unis, d’avoir délocalisé cette industrie ultrapolluante dans l’empire communiste ?
Au fil des ans, l’exportation chinoise a changé de couleur, passant des produits à forte intensité de main-d’œuvre (textiles, jouets, meubles) à ceux à forte valeur technologique (panneaux solaires, batteries, voitures électriques). Si les premiers renvoyaient aux images grisâtres des ateliers de misère, les seconds sont plutôt liés aux paysages verts synonymes des énergies « propres ».
Mais, au fond, le modèle chinois n’a pas changé : conditions précaires des ouvriers, maigres droits sociaux, opacité des informations. Le salaire mensuel des ouvriers de l’usine du constructeur automobile BYD à Zhengzhou, qui correspond à 40 heures de travail hebdomadaire, s’élève à 2 100 yuans (250 euros), soit 1,50 euro de l’heure, avec cinq jours de congé par an. La direction de l’usine préfère communiquer sur la « rémunération mensuelle globale », laquelle peut atteindre 7 500 yuans (environ 900 euros), mais à condition de travailler de 8 heures du matin à 8 heures du soir, six jours sur sept.
La justice brésilienne a lancé, en mai, des poursuites contre BYD pour « esclavage moderne » sur le chantier de son usine dans l’Etat de Bahia.CATL, leader mondial des batteries, est accusé par le Congrès américain, depuis juin 2024, de travail forcé. Quand le géant chinois a dicté le nouveau rythme de travail « 896 » (de 8 heures à 21 heures, six jours sur sept), ses ingénieurs étaient écœurés de découvrir que leurs collèges étrangers en étaient gracieusement épargnés…
En envoyant ses usines dans les pays où la main-d’œuvre est moins chère et où les normes environnementales sont plus douces, comme si les populations y avaient des poumons plus robustes et des échines plus souples, l’Occident fait preuve du même cynisme. La délocalisation d’une usine polluante ravit surtout les riverains du pays d’origine, quand ceux des pays qui l’accueillent n’ont souvent aucun mot à dire.