Ils se surnomment « Guigu’ » et « Amil » et, entre ces deux frères, il suffit d’un mot, d’une intonation, d’un regard pour savoir l’humeur de l’autre. « Nous avons une telle densité de vécu, on se connaît mieux l’un l’autre que quiconque », lance Guillaume Martily, 36 ans, musicien et scénariste à Nantes. « On est indissociables, confirme Amilcar, 40 ans, ancien handballeur et urbaniste en reconversion à Bordeaux. Il est mon frère, mon meilleur ami, mon confident. »
Enfants, ils ont construit leur monde imaginaire pour fuir l’ennui de leur village normand et les « tempêtes » du couple parental. Dans leur chambre commune, ils créent des villages en Lego, improvisent des jeux dans le cerisier du jardin et, chaque été, ils partent à l’aventure sur les terres antillaises familiales. Adultes aux parcours et caractères bien distincts, les frères se retrouvent sur l’humour, la constance du soutien et une capacité à dialoguer sans tabou ni gravité. Leur lien aurait pu s’affaiblir à travers le temps, en raison de la distance, des épreuves et des déceptions. Il s’est révélé indéfectible.
Chassons d’emblée toute comparaison empreinte d’envie : les fratries soudées sont minoritaires. Une sur cinq. Un ratio établi par la docteure en psychologie de l’enfance Olivia Troupel-Pezet dans une thèse publiée en 2006. Elle parle de « fratries consensuelles », caractérisées par « un haut niveau de coopération et peu d’opposition ». La majorité des relations fraternelles ou sororales, soit trois sur cinq, seraient « contrastées », mêlant autant de synergies que de querelles. Viennent ensuite les « conflictuelles » (8,7 %) et les « tranquilles » (5 %), aux liens ténus, voire inexistants. « Les frères et sœurs sont les grands oubliés du roman familial, constate l’universitaire. Très peu d’outils existent pour évaluer ces relations. » Pourtant, ce lien fait d’ambivalences et de « cycles de développement » va influencer d’autres types de liens. « Il est un laboratoire social », affirme l’universitaire.