La Chine a de quoi faire des envieux. Son économie est devenue la deuxième de la planète il y a déjà quatorze ans et fait aujourd’hui quatre fois la taille de celles de ses suivants immédiats, Allemagne, Japon ou Inde. Elle se considère dans les temps pour envoyer ses astronautes marcher sur la Lune avant la fin de la décennie, dispose de sa propre station spatiale et de trois porte-avions. Ses marques, comme le numéro un mondial des véhicules électriques BYD, s’exhibent en sponsors de l’Euro de football ou des Jeux olympiques. La République populaire a installé en 2023 sur son sol plus de panneaux solaires qu’il ne s’en trouve en cumulé sur le territoire américain et compte davantage de lignes de trains à grande vitesse que le reste de la planète.
Comment, alors, expliquer ce débat qui s’est installé sur les réseaux sociaux depuis l’automne 2023, autour de la notion du « temps gâché », référence aux dernières minutes de la fin d’un match de basketball – très populaire en Chine – lors duquel l’écart de score est tel que les athlètes n’ont plus intérêt à s’impliquer.
Sans que le pays ait sombré dans une crise aiguë, beaucoup de ses citoyens sont gagnés par une forme de pessimisme, le sentiment que les années fastes sont passées. Certains se demandent si l’ère de la réforme et de l’ouverture n’est pas terminée. Le sondage que publie chaque trimestre la banque centrale chinoise sur le sentiment des ménages, réalisé auprès de 20 000 personnes dans cinquante villes, montrait au premier trimestre que 46 % des Chinois jugent la situation « difficile » sur le marché de l’emploi, 43 % la voient « moyenne » et 10 % « bonne » ; 69,6 % considèrent que leur revenu reste le même, 17,3 % le voient baisser. Seulement 13,2 % estiment qu’il augmente.
Le marché de l’immobilier, où les Chinois ont investi le gros de leurs économies, est en baisse depuis plus de trois ans. L’espace de la société civile, la marge de débat pour les intellectuels, les artistes, les minorités religieuses ou sexuelles n’a cessé de se resserrer et il n’y a plus de changement politique à l’horizon depuis que Xi Jinping a fait lever, en mars 2018, la limite à deux mandats présidentiels. « Le mouvement de réforme de la Chine a urgemment besoin d’une nouvelle percée », osait pour titre d’un éditorial le respecté magazine Caixin, en novembre 2023.
C’est pourquoi les yeux sont tournés vers la réunion du Parti communiste chinois (PCC) qui se tient du lundi 15 au jeudi 18 juillet à Pékin. Il est de coutume que sept « plénums » rassemblant les 205 membres de plein droit et 171 suppléants du comité central du PCC se réunissent durant les cinq années qui suivent un congrès et que le troisième soit consacré aux grandes lignes économiques et sociales pour l’avenir. A cette occasion, en 1978, Deng Xiaoping avait fait entériner la politique d’ouverture et de réforme.