Dans un restaurant italien lors de l’anniversaire de l’une ses amies, Iram (les personnes citées par leur prénom ont requis l’anonymat), 29 ans, fixe son menu sans vraiment le comprendre. Un mot l’arrête : « Pancetta, qu’est-ce que ça veut dire ? » Même perplexité devant les noms de fromages italiens ou les ingrédients des pizzas. « Je ne connais rien », déplore cette ingénieure, fille d’un employé dans l’automobile et d’une mère au foyer. Enfant, la Parisienne ne mettait jamais les pieds au restaurant : les repas étaient préparés par sa mère, pakistanaise. Le choc est brutal lorsqu’elle intègre un « milieu bourgeois », sur les bancs de son école d’ingénieurs parisienne en filière aéronautique.
Nouveau rythme de vie, nouvelles références… et un lexique culinaire à apprivoiser. « Je glissais mon téléphone sous la table pour vérifier le nom d’un ingrédient. J’avais peur qu’on se moque de moi », confie cette transfuge de classe. Et parfois, il y a des ratés. Il y a quelques années, lors d’un déjeuner un samedi entre amis, elle choisit un « faux-filet » en pensant que c’est du poisson. « Je me suis sentie très bête. » Aujourd’hui, cette jeune ingénieure ose interpeller le serveur lorsqu’elle bute sur un plat. « Mes amis sont habitués et bienveillants, mais j’éprouve toujours un décalage. Très vite, je ne me sens pas légitime d’être là. »