On aimerait écrire que la « crazy cat lady » n’est qu’un personnage loufoque des Simpsons, cette vieille dame, « folle aux chats », Eleanor Abernathy, au physique aussi défaillant que son mental, qui a perdu la boule depuis longtemps et balance des félins à tout va. Pourtant, force est de constater qu’il en existe en dehors de la série. Au lycée, ma professeure de philosophie, plutôt perchée et délurée, affirmait qu’elle était un chat réincarné en humain. De ce fait, elle parlait la « langue chat », ronronnement qu’elle nous a fièrement mimé dès son premier cours. Passionnée par ces quadrupèdes, elle était toujours vêtue de l’attirail rose complet d’Hello Kitty, cette marque kawaii à effigie de gros chat mignon, du tee-shirt au cartable à roulettes qu’elle tirait derrière elle dans les couloirs.
Un simple regard par la fenêtre, le matin, permet de retrouver ce type de profil. Dans l’immeuble d’à côté, une dame qui réside seule au rez-de-chaussée lance de la nourriture aux matous des alentours. Mistigris de salon et chats de gouttière festoient alors tous ensemble, tels des Aristochats virevoltant autour de ce repas devenu quotidien.
Sur TikTok, des vidéos aux centaines de milliers de vues mettent en scène des jeunes femmes promenant leur chat en laisse ou lui offrant un arbre à chat dignes d’un complexe de Philippe Stark. Même Claudia Schiffer a été désignée « crazy cat lady » par le magazine Vogue en janvier 2024, lorsqu’elle a débarqué sur le tapis rouge, à Londres, pour la première du film Argylle avec son scottish fold (la race féline préférée de Taylor Swift) dans son sac à dos Versace. Chip, de son prénom, a lui aussi son propre compte Instagram.
Les marques de jeux de société se sont ainsi emparées de la tendance avec au choix, un jeu d’équilibre en bois (où l’objectif est d’empiler des chats sur une femme oscillante sans qu’ils ne se renversent), un jeu de cartes, un jeu de stratégie…
Le chat serait l’apanage des femmes seules, coupées du monde social, émotionnellement en détresse. Qu’elles soient veuve, éternelle célibataire ou – pire – féministe, elles combleraient son manque d’affection et sa frustration par la présence à des côtés d’un petit être à la truffe chaude qui laisse des poils partout. De tout temps, la femme à chats a été reliée aux dissidentes du couple hétérosexuel traditionnel. Hors du circuit de l’amour romantique, la crazy cat lady n’a pas d’enfant, elle est libre comme l’air mais reléguée à la marge de la société.