Ceux qui, depuis le 28 juin, suivent avec enthousiasme les étapes de la 111e édition du Tour de France ne se doutent pas nécessairement du danger que courent les cyclistes, en cas de chute collective dans le peloton. L’affaire suivante, bien que ne concernant pas une compétition, vient tristement le rappeler.
Le 3 mars 2019, M. X, 56 ans, grand sportif, membre de l’association Les Gentlemen d’Aunis, participe à une randonnée en Charente-Maritime. Le vent soufflant fort, les cyclistes roulent roue dans roue, pour éviter les bourrasques. M. X se trouve en queue de peloton, à droite de M. Y, et derrière M. Z.
Ce dernier, déséquilibré par une rafale, chute. M. Y réussit à l’éviter, mais M. X passe par-dessus son guidon, et tombe, tête la première, dans le bas-côté. Comme il ne respire plus, un médecin qui se trouve dans le peloton le place en position latérale de sécurité, dans l’attente des secours. Il est héliporté dans un hôpital, mais l’accident le laisse tétraplégique.
Le préjudice financier qui en résulte s’élèvera « à plus de 1 million d’euros », indique son avocat. Me François-Frédéric Andouard considère que le dommage a été causé par M. Z : M. Y a en effet déclaré que la tige de sa selle a bloqué la roue avant de M. X, dont elle a brisé les rayons, ce qui a provoqué le catapultage. M. Z le conteste. Son avocate, Me Marine Kervingant, soutient qu’il n’y a pas de preuve d’un quelconque contact entre les deux bicyclettes. Elle affirme que M. X roulait trop près de M. Z, sans respecter les distances de sécurité.
Néanmoins les juges tiennent M. Z pour responsable de l’accident, en vertu du principe selon lequel « on est responsable du dommage » causé par le fait « des choses que l’on a sous sa garde » (article 1242 du code civil). Ils considèrent que la position de son vélo, « inerte » sur le sol, après la chute, était « anormale ».
Las, la compagnie Thélem, censée couvrir sa responsabilité civile en cas de dommages aux tiers, conteste devoir sa garantie : son contrat exclut « les dommages causés au cours d’activités sportives amateur, dans le cadre d’une association ». Elle perd en référé, puis en première instance, mais gagne devant la cour d’appel de Poitiers, le 9 avril 2024.
Heureusement pour la victime, il reste l’assurance obligatoirement souscrite, en vertu de l’article L321-1 du code des sports, par les Gentlemen d’Aunis, en l’occurrence, auprès de la Macif. Mais celle-ci conteste, elle aussi, devoir jouer : elle prétend que l’association aurait souscrit un contrat subordonnant sa garantie à la caractérisation d’une « faute » ? ce qui serait contraire à son obligation légale ; or, « elle ne justifie pas de [cette] affirmation », constatent les magistrats. Elle prétend encore n’assurer que les dommages causés « aux tiers ». Or, « les adhérents d’une association sont légalement considérés comme des tiers entre eux ». Elle prétend, enfin, ne devoir mobiliser qu’une garantie « dommages corporels », ne couvrant que certains postes de préjudice corporels, alors que M. X, devenu invalide, a perdu son entreprise et ainsi subi un préjudice professionnel.