Les grilles de la base aéronavale de Lann-Bihoué, à Ploemeur (Morbihan), viennent de se refermer sur une délégation d’officiels venus de toute la France. Les Falcon 50, les Rafale marine, le patrouilleur, les hélicoptères Caïman et les drones peuvent retourner à leurs hangars. Les 1 500 militaires du site ont pris l’habitude de ces défilés de visiteurs.
La marine française ne dispose plus que de quatre bases comme celle de Lann-Bihoué pour son aviation. Quatorze ont été rayées de la carte depuis 1980, conséquence de décennies de réductions budgétaires.
Le capitaine de vaisseau Jean-Michel Aumenier, commandant de Lann-Bihoué, veut croire que « la déflation est terminée ». « D’ici à quinze ans, tous les aéronefs auront été renouvelés », explique-t-il devant le chantier des bâtiments qui abriteront les futurs Falcon 200.
Habituées aux promesses non tenues et aux coupes plus ou moins franches, les armées commençaient à douter de la relance de l’investissement de défense. Elles ont été rassurées par l’appel du président de la République, Emmanuel Macron, du 13 juin 2022 : « La France doit passer en économie de guerre. » Le chef des armées s’adressait aux industriels de l’armement et à leurs sous-traitants.
La base industrielle et technologique de défense, forte de 4 000 entreprises de toutes tailles mais déjà fragilisée, a été mise à nu avec le conflit en Ukraine, qui marque le retour de la guerre de haute intensité sur le continent européen. La France a beau tenir le rang de deuxième exportateur d’armes au monde, ses soldats, marins, pilotes manquent de munitions et d’équipements parfois basiques. C’est le cas à Lann-Bihoué, où plus de la moitié de la flotte des Caïman est clouée au sol, faute de pièces de rechange.
« Il faut aller plus vite, plus fort, au moindre coût, a intimé le chef de l’Etat aux fabricants. Notre écosystème de défense doit se mettre en capacité de produire plus, plus vite et dans la durée, et de réfléchir différemment. » Dans les cercles de défense, personne ne conteste cette urgence. Pour Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales, le contexte stratégique mondial est devenu « très défavorable » à la France, notamment au regard de l’accélération des dépenses mondiales. « La Chine construisait tous les quatre ans l’équivalent de la marine française. Le rythme est passé à tous les dix-huit mois », relève l’expert.