Rarement dans l’histoire de la construction européenne, le couple franco-allemand n’a paru aussi dissonant sur le plan budgétaire. Pendant que le Parlement français s’enferre dans une crise politique pour tenter péniblement de dépenser moins dans son budget 2025, la coalition au pouvoir en Allemagne s’est déchirée sur la question de la nécessité de dépenser plus. Paris est étranglé par sa dette, Berlin par sa parcimonie. Leur seul point commun : les deux pays doivent changer de trajectoire pour sortir du marasme.
En France, la prise de conscience de l’exigence du changement reste encore dans les limbes. Le débat se résume à disserter sur la gravité de se retrouver sans gouvernement et sans budget à Noël. Le pire n’est pas certain, mais, de la gauche à l’extrême droite, la tentation du vide semble irrésistible, sans savoir sur quoi débouchera ce chamboule-tout irresponsable.
La réflexion sur l’indispensable remise à plat du financement de notre système social et fiscal, qui permettrait de reprendre le contrôle de nos finances publiques, est au point mort. Le « socle commun » dramatise. Les oppositions relativisent. Le pays se paralyse. Les marchés financiers se crispent.
En Allemagne, les esprits sont en train d’atterrir. Le modèle allemand a perdu de sa superbe. La croissance est à l’arrêt et les plans sociaux dans l’industrie se multiplient. La gravité de la situation pousse les Allemands à s’interroger sur la remise en cause du « Schuldenbremse », le frein à l’endettement, totem de la rigueur des finances publiques du pays. Inscrite dans la Constitution par Angela Merkel en 2009, cette disposition limite le déficit budgétaire structurel à 0,35 % du produit intérieur brut. La France, elle, accélère à plus de 6 % en 2024.
Tant que « Deutschland Ag » engrangeait les dividendes de la mondialisation, ce frein était vertueux, empêchant de dilapider les revenus des exportations dans des dépenses sans contrôle. Mais en quelques années, les forces du bon élève de l’Europe sont devenues des fragilités existentielles. L’industrie n’a plus accès au gaz russe qui lui permettait d’avoir des coûts de production compétitifs. La montée des tensions commerciales et le ralentissement des échanges internationaux mettent en péril ses excédents commerciaux. La Chine, qui fut longtemps l’eldorado du « Made in Germany », a rattrapé son retard technologique et boude les produits allemands, notamment les plus emblématiques comme l’automobile.