Le budget 2025, à l’origine de la chute du gouvernement Barnier, sera-t-il la victime collatérale de la crise politique ? C’est la question qui se pose après l’adoption, mercredi 4 décembre, de la motion de censure contre le gouvernement.
L’équipe de Michel Barnier devrait, certes, rester en place pour gérer les affaires courantes jusqu’à la nomination d’un successeur. Cependant, en tant que gouvernement démissionnaire, elle n’a a priori pas la possibilité légale de reprendre les textes budgétaires qui étaient en discussion, ou même de présenter des nouveaux textes, ce qui rend très incertaine l’adoption d’un projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025) avant la date limite du 31 décembre 2024.
La question fait débat chez les spécialistes de la Constitution. Certains juristes estiment que la chute du gouvernement Barnier entraîne automatiquement le rejet définitif du projet de loi de finances (PLF) 2025, alors en cours d’examen au Sénat, comme tous les autres projets de loi en cours. « Le gouvernement ne pourrait plus qu’assurer l’expédition des “affaires courantes” », assurent Aurélien Baudu, professeur de droit public à l’université de Lille, et son confrère de l’université Paris-Cité, Xavier Cabannes. D’autres avancent au contraire que les textes ne sont pas caducs et que rien n’empêche le nouveau gouvernement de reprendre le budget là où il s’est arrêté. « Il y a de bonnes raisons de croire que le PLF survive à la motion de censure », explique Julien Boudon, professeur de droit public à l’université Paris-Saclay. Et d’ajouter : « Le texte pourrait être repris par un nouveau gouvernement, y compris en l’amendant en commission paritaire mixte ou en nouvelle lecture, pour exprimer les vues politiques de ces nouveaux ministres. »
Or, sans budget voté et promulgué au 1er janvier, les administrations publiques pourraient se retrouver dans l’impossibilité de rémunérer les fonctionnaires, de payer les fournisseurs de l’Etat, les factures… Ce scénario de shutdown – en référence à l’arrêt des activités gouvernementales faute d’accord sur le budget aux Etats-Unis –, inédit dans l’histoire politique moderne de la France, est-il inévitable ? Tour d’horizon des scénarios possibles.
Pour éviter le shutdown, reste un scénario plus hypothétique encore : l’activation de l’article 47 de la Constitution. Celui-ci permet au gouvernement de promulguer son projet de loi de finances par ordonnance, sans vote, si jamais le Parlement ne s’est pas prononcé à ce sujet au bout de soixante-dix jours. Mais la possibilité qu’un gouvernement censuré puisse utiliser cet article divise les juristes. « Le gouvernement renversé ne pourrait pas avoir recours à une ordonnance de l’article 47, car lorsqu’un gouvernement tombe, tous les projets de loi qu’il porte tombent aussi », estime le juriste Xavier Cabannes. « On a peu de recul, encore moins de précédents, mais il y a un chemin juridiquement, estime pour sa part le constitutionnaliste Benjamin Morel. En revanche, les conséquences politiques seraient très graves. »