La déclinaison française du site américain Slate va devoir se serrer la ceinture. Bien que le succès de son podcast « Transfert » ne se démente pas depuis plusieurs années, – il était encore troisième en octobre, selon les chiffres de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias –, le média en ligne gratuit Slate.fr ne parvient pas à être rentable. Confronté à la baisse du chiffre d’affaires publicitaire et des audiences, à l’instar de plusieurs de ses concurrents, l’entreprise sera à nouveau déficitaire en 2024. Fondée en 2009 par l’ancien directeur du Monde Jean-Marie Colombani, ainsi que par les journalistes Eric Leser, Johan Hufnagel (cofondateur du média en ligne Loopsider) et l’essayiste Jacques Attali, Slate.fr a englouti près de seize millions d’euros depuis sa création, sans parvenir à l’équilibre.
Son actionnaire majoritaire, Cattleya Finance, la holding luxembourgeoise d’Ariane de Rothschild, a décidé de jeter l’éponge, comme l’a révélé le média d’investigation en ligne L’informé, mercredi 4 décembre. « Après dix ans de soutien bienveillant, Ariane de Rothschild a décidé de se désengager », confirme Marc Sillam, le directeur général de E2J2, la société éditrice de Slate.fr. La directrice de la banque privée franco-suisse Edmond de Rothschild, veuve de Benjamin de Rothschild, mort en 2021, effectuera un dernier apport permettant au site Internet de poursuivre son activité, le temps qu’un autre actionnaire soit trouvé, annonce par ailleurs M. Sillam.
« L’actionnaire de Slate, Cattleya Finance, a décidé de cesser d’alimenter son déficit permanent. Faute de tout espoir de redressement », avaient prévenu les représentants du comité social et économique (CSE) de l’entreprise, dans un courriel destiné aux pigistes envoyé mercredi 4 décembre, que Le Monde a pu consulter. Vendredi 29 novembre, les représentants du CSE avaient informé les salariés de la « restructuration drastique » à venir, qui devrait avoir lieu à partir de janvier 2025. Cela « comprend notamment le départ d’une partie des effectifs de la rédaction et une limite, voire un arrêt, de la collaboration d’un certain nombre de pigistes », affirme le même mail.
Pour réduire les coûts, la société n’a plus de journalistes salariés depuis 2017, seulement des chefs et des éditeurs mettant en forme et corrigeant les textes. Le « pure player », qui s’appuie aujourd’hui sur une quarantaine de pigistes, parmi lesquels la chroniqueuse judiciaire Elise Costa ou le critique cinéma Jean-Michel Frodon, va désormais moins faire appel aux collaborateurs extérieurs. « Nous allons produire moins de contenus écrits, mais ils seront mieux mis en avant », avance Marc Sillam, promettant une nouvelle formule d’ici à fin janvier, imaginée par l’agence de communication Movement. « Nous devons ramener le coût de production à un niveau acceptable », estime encore le directeur général de E2J2, promettant que la qualité des contenus n’en souffrira pas.