Un mois avant son retour à la Maison Blanche, Donald Trump pèse déjà sur les institutions des Etats-Unis. Au point d’avoir failli provoquer un nouveau shutdown (« fermeture ») de l’Etat fédéral, évité de justesse par le Congrès vendredi 20 décembre avec le vote d’une loi permettant son financement provisoire. Le président élu avait en effet empêché en milieu de semaine l’adoption d’un compromis entre démocrates et républicains qui permettait d’enjamber la transition au terme de laquelle les pouvoirs exécutif et législatif seront entièrement détenus par le camp conservateur. Ce dernier pourra compter en outre sur une solide majorité à la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis.
Reconduit à la Maison Blanche le 5 novembre en dépit du passif longtemps jugé insurmontable qu’avait constitué son implication dans la tentative de coup de force contre le Congrès, le 6 janvier 2021, pour empêcher l’accession à la présidence de Joe Biden, Donald Trump a bénéficié jusqu’à présent d’un relatif état de grâce et d’un taux d’approbation inédit. Bien mieux préparé qu’en 2016, il pourrait profiter de cette situation nouvelle pour esquisser les contours d’une présidence apaisée.
Il n’en est rien pour l’instant. Le président élu n’a pas renoncé à s’en prendre à tous ceux qu’il considère comme des ennemis. Cette vindicte s’étend des membres de la commission d’enquête de la Chambre des représentants consacrée au 6 janvier 2021 à la responsable d’un institut de sondage de l’Iowa. Cette dernière est menacée de poursuites judiciaires pour des estimations favorables à la candidate démocrate à la présidentielle, Kamala Harris, qui avaient été démenties dans les urnes.
Outre les nominations de membres de sa famille à des postes d’ambassadeur et la tentative d’imposer sa bru à un poste de sénatrice de Floride, Donald Trump s’obstine à nommer des affidés aux compétences extrêmement limitées à des fonctions stratégiques : la direction du Pentagone et celle du renseignement national.
Mais ce qui alimente le plus le trouble est le rôle joué dans la transition par Elon Musk, l’homme le plus riche du monde devenu le plus riche de l’histoire de l’humanité après un rachat d’actions de sa société SpaceX portée par la commande publique. Officiellement chargé de sabrer dans les dépenses fédérales à un poste ne nécessitant pas l’aval du Sénat, il n’entend manifestement pas s’en satisfaire.
Depuis son ralliement à Donald Trump, il a modifié l’algorithme de son puissant réseau social, X, pour que ses prises de position politiques bénéficient du plus grand écho possible. Fort de cet atout et du levier de sa fortune, il donne son avis sur tout, ou presque. Il a été le premier à intimer l’ordre aux républicains du Congrès de renoncer au compromis budgétaire obtenu avec les démocrates.
Plus qu’un oligarque, un président bis prend forme, sans disposer de la moindre légitimité conférée par une élection. Elon Musk ne limite d’ailleurs pas son activisme aux frontières de son pays. Il s’expose à des accusations d’ingérence en multipliant les soutiens bruyants à des partis d’extrême droite, en Italie, au Royaume-Uni comme désormais en Allemagne. Son omniprésence et sa capacité de déstabilisation surpassent celles de Donald Trump, qui en avait fait sa marque de fabrique. Il s’agit d’un défi inédit pour les institutions des Etats-Unis.