Dans Algues vertes. L’histoire interdite (La Revue dessinée/Delcourt, 2019) – 190 000 exemplaires vendus et une adaptation au cinéma par Pierre Jolivet, en 2023 –, la journaliste Inès Léraud instruisait le procès de l’agriculture intensive à travers ce phénomène de pollution au nitrate appelé « marée verte ».
Le productivisme agricole est à nouveau au cœur de Champs de bataille. L’histoire enfouie du remembrement, également dessinée par Pierre Van Hove. Théorisé sous Vichy, mis en œuvre après-guerre, le remembrement a consisté à réorganiser et à redistribuer les terres cultivables afin d’améliorer leurs rendements. Les blessures sociales et psychologiques qu’il a entraînées ne se sont pas refermées, affirme Inès Léraud dans cette enquête visant à autopsier le trauma d’une paysannerie touchée dans sa chair.
Parce qu’elle n’a jamais été racontée. Il n’existe pas de livres spécifiques sur les oppositions au remembrement. Les sciences sociales ne se sont que trop rarement penchées sur le sujet. J’ai grandi en milieu rural dans le Maine-et-Loire, mais c’est en m’installant en Bretagne, en 2015, que j’ai compris l’importance du remembrement dans l’histoire des campagnes. Son souvenir est encore très vif.
Ma rencontre avec deux chercheurs menant des travaux sur le sujet, Léandre Mandard, doctorant au Centre d’histoire de Sciences Po, et Alexandra Georges-Picot, formée en histoire contemporaine à Oxford, m’a convaincue d’aller plus loin.
Peut-être parce que les principaux perdants du remembrement étaient des « petits » agriculteurs. La ferme était souvent tenue par leurs femmes alors qu’eux étaient artisans ou commerçants. Après le remembrement, celles et ceux qui avaient des fermes de subsistance ont dû abandonner l’agriculture pour occuper des emplois à temps plein en dehors ou devenir femmes au foyer, échappant ainsi à une recherche sociologique ayant besoin de catégories professionnelles bien déterminées.