Scandaleux, fins politiques ou dotés d’une fibre sociale : l’histoire de la papauté est façonnée par des figures aussi diverses que passionnantes, comme le montrent ces trois livres parus récemment.
Quelque chose « ne passe pas » dans le discours général du pape François sur l’accueil des migrants, constate le dominicain Jacques-Benoît Rauscher, qui cherche à prendre au sérieux les inquiétudes de fidèles qu’il refuse de réduire à des « catholiques réactionnaires ». Assumant lui-même une attitude critique envers la modernité, cet enseignant de théologie morale réfléchit à ce sujet en se plongeant dans les discours papaux et les origines de la doctrine sociale de l’Eglise, fixée par Léon XIII en 1891 avec son encyclique Rerum novarum.
Explorer les « tensions profondes » qui traversent la position du catholicisme conduit Jacques-Benoît Rauscher à un essai de généalogie des figures du migrant, depuis le « migrant travailleur » du XIXe siècle au « migrant réfugié » du XXe. Ces mutations expliquent à ses yeux certains anachronismes dans le discours officiel actuel : le propos pastoral du XIXe siècle destiné aux migrants travailleurs a largement demeuré, malgré les mutations de l’exil.
Déclinant ensuite les figures bibliques de l’étranger, Jacques-Benoît Rauscher dégage une « deuxième frontière », liée à l’universalité du message évangélique, ouvrant à un accueil total que nuancera plus tard la tradition de l’Eglise. S’inscrivant dans cette lignée, et s’appuyant en particulier sur saint Thomas d’Aquin, Jacques-Benoît Rauscher propose à son tour deux pistes – sur le seuil de possibilité matérielle de l’accueil et le lien social face à l’intégration de l’autre – en vue d’approfondir la doctrine sociale de l’Eglise à l’aune des enjeux du XXIe siècle. Y. B.