A Mayotte, les défis de la reconstruction

Deux semaines après le passage du cyclone Chido, qui a dévasté Mayotte, faisant, selon un bilan encore provisoire, 39 morts et 5 600 blessés, François Bayrou n’avait pas droit à l’approximation. Flanqué de cinq membres de son gouvernement, le premier ministre a tenté, au cours d’une visite éclair lundi 30 décembre, d’atténuer le ressentiment de la population qui continue de vivre dans des conditions très précaires, après avoir manqué pendant de longs jours d’eau, d’électricité et d’accès aux soins. Lors d’un déplacement le 20 décembre, Emmanuel Macron avait pu mesurer la légitime colère des Mahorais.

Le plan que l’hôte de Matignon a détaillé, sans talent oratoire mais avec un grand souci du détail, vise à répondre aux préoccupations de court et de moyen terme d’une population qui vit dans le département le plus pauvre de France, subit une crise migratoire de forte intensité et se sent depuis des années abandonnée par la métropole.

Du rétablissement de l’électricité à l’accès à l’eau en passant par la sécurisation des écoles et le plan de soutien à l’économie locale, François Bayrou s’est voulu le plus précis possible sur les mesures d’urgence, égrenant chiffres et échéances, mais c’est surtout le deuxième volet de son « plan Mayotte debout » qui a retenu l’attention. Le chef du gouvernement s’est engagé à reconstruire l’archipel en deux ans mais pas à l’identique, en « dessinant un avenir différent » avec l’appui des élus.

Le défi ou plutôt les défis sont immenses. Car, si le gouvernement a d’ores et déjà annoncé qu’un projet de loi d’urgence serait présenté en conseil des ministres le 3 janvier, suivi dans les trois mois d’un projet de loi-programme de refondation, le parallèle avec la reconstruction réussie de Notre-Dame de Paris tourne court. Certes, la volonté de créer un établissement public spécifique pour tenter d’accélérer les procédures répond à l’urgence, de même que la mobilisation annoncée de fonds européens est faite pour rassurer sur les financements à venir. Mais les problèmes à régler, enkystés depuis des années, sont tels qu’il est permis de douter de la capacité de l’exécutif à les résoudre et à le faire rapidement.

Le premier ministre a mis en évidence une question au cours de sa visite : personne ne sait actuellement combien d’habitants compte l’archipel, en raison de l’ampleur de l’immigration irrégulière en provenance, notamment, des Comores. Tant que l’Etat et les élus ne se seront pas mis d’accord sur un recensement précis de la population, les besoins de la reconstruction resteront difficiles à évaluer et l’Etat apparaîtra dépassé. Dans le prolongement des propos d’Emmanuel Macron, François Bayrou a exclu la reconstruction de bidonvilles, mais ceux-ci ont déjà ressurgi pour répondre aux besoins pressants de la population.

Pour que la reconstruction ait une chance de réussir, le contrôle migratoire reste le grand défi, mais aucune solution ne fait consensus. Un accord avec le président des Comores serait le plus efficace. Il reste, à ce stade, hors de portée.

Déjà évoquée par Gérald Darmanin sous le gouvernement Attal, la remise en cause du droit du sol à Mayotte a été reprise à son compte par François Bayrou, mais ne peut que réveiller de fortes tensions dans l’Hexagone. La gauche y est farouchement opposée, y voyant une première brèche dans un édifice constitutionnel que Marine Le Pen tente d’abattre. Ajoutée au dossier budgétaire, la reconstruction de Mayotte renvoie ainsi le premier ministre à sa propre fragilité politique.

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