Le 10 juin, un adolescent de 14 ans poignarde une assistante d’éducation au collège Françoise-Dolto, à Nogent, en Haute-Marne. Scolarisé en 3e, issu d’un milieu familial stable, il n’est pas suivi pour des troubles psychologiques, n’a aucun antécédent judiciaire, ne se drogue pas et n’a pas commis de violence grave, en dehors de deux bagarres avec d’autres élèves.
Référent contre le harcèlement, bon élève, intégré à la vie scolaire, il est décrit comme « rigolo » par ses camarades. Il a expliqué vouloir tuer « une surveillante, n’importe laquelle » après avoir été grondé par l’une d’entre elles alors qu’il flirtait dans la cour avec une camarade.
Les premiers éléments qui transparaissent de l’enquête sont l’absence totale d’expression de regret ou de compassion, l’impossibilité de saisir l’importance de la vie humaine, une fascination pour la violence et la mort dans des films et des séries, ainsi que la pratique régulière de jeux vidéo violents.
La description de cet adolescent et la brutalité inouïe de ce passage à l’acte ont fait immédiatement penser à Jamie Miller, cet adolescent de 14 ans, complexe et magnétique, au centre de la série britannique Adolescence, qui connaît un succès planétaire en jetant une lumière crue sur la violence radicalisée par le numérique, sur la virilité toxique et la vulnérabilité masculine des jeunes garçons, ainsi que sur le rôle probable d’un défaut d’empathie exacerbé par les écrans.
J’ai été comme beaucoup bouleversé par le portrait de cet enfant. L’éclairage hyperréaliste de sa vulnérabilité glacée, son ignorance de la mort, son humiliation virile naissante, son absence de remords ont fait résonner un sentiment encore confus qui imprègne aujourd’hui de plus en plus mes consultations et que je relie effectivement à une absence manifeste d’empathie. Ce sentiment s’accompagne de ma crainte que des jeunes de plus en plus nombreux ne soient en train de basculer dans un autre monde où je n’ai plus la possibilité de les atteindre.