Le professeur en sciences de gestion Lionel Honoré, codirecteur de l’ouvrage Le Management désenchanté. Erreurs, échecs et bullshit en management (EMS, 288 pages, 25 euros), dénonce « la diffusion d’un culte de l’individu » au sein de l’entreprise, valorisant le « manageur sachant » et niant l’expertise des collectifs de travail.
Prenons l’exemple du secteur médico-social. On y observe très clairement une dissonance, qui tend à s’accentuer, entre les discours et la brutalité de la réalité. Le travail y est considéré comme un objet noble, tourné vers les autres, dans des organisations où se multiplient les injonctions à un management collaboratif, participatif, bienveillant.
Mais, dans le même temps, on voit se déployer des outils de gestion de plus en plus brutaux, justement, qui confrontent les acteurs du secteur à une logique de tableaux de bord et de KPI, indicateurs-clés de performance. En conséquence, le management ne s’intéresse pas réellement au travail, à l’activité elle-même, mais bien davantage à la manière dont on peut, à partir de ce même travail, satisfaire des objectifs venant « d’en haut ».
Ce retour du management autoritaire est en effet une problématique fondamentale des organisations modernes. C’est un management qui explique comment le travail doit être réalisé, ce que doivent être ses objectifs… Il prétend savoir mieux que ceux qui « font », alors qu’il est en réalité de plus en plus « à distance », s’appuyant avant tout non sur une fine connaissance du terrain, mais sur des outils de gestion qui l’en éloignent.
Il y a, bien sûr, la financiarisation de l’économie, qui se traduit par une tendance à la « gestionnite » : la mise en coupe réglée du travail par des outils de gestion s’appuyant sur des objectifs financiers déconnectés de la réalité du terrain.