« Des soldats nous ont retrouvées, ils nous ont dit de nous déshabiller » : le silence sur les viols de masse pendant la guerre au Tigré

Nigist sort trois patrons en lin beige d’un sac plastique noir. Large sourire sur le visage, elle s’installe devant une machine à coudre. Le pied sur la pédale active l’aiguille mécanique qui trace un fil blanc. « C’est une jupe pour enfant. Encore quelques heures de travail et ce sera terminé », dit-elle, sans quitter des yeux la petite pointe métallique. Cette femme de 17 ans, originaire du Tigré occidental, région d’Ethiopie en rébellion contre le pouvoir central, a franchi le portail noir du centre Hiwyet, « guérison » en langue tigrinya, un matin de juin 2023. « Cela faisait des mois que j’étais sur la route. Quand je suis arrivée, j’étais quasiment incapable de parler. A cause de ce qui m’est arrivé en chemin », relate-t-elle avec difficulté.

Lorsque des hommes armés ont envahi son village de la zone de Kafta Humera, dans l’est du Tigré, Nigist a fui avec d’autres adolescentes. « On s’est cachées dans un petit bois, mais des soldats nous ont retrouvées. Ils nous ont dit de nous déshabiller, mais moi j’ai résisté, je ne voulais pas. C’est là qu’ils ont commencé à me frapper, à m’enlever mes vêtements. J’ai été violée par plusieurs d’entre eux. Et puis je me suis évanouie. » Quelques heures plus tard, Nigist est prise en charge par des villageois. « Je me suis lavée dans la rivière et ils m’ont donné de quoi m’habiller car je n’avais plus rien. Puis je me suis enfuie jusqu’à Makalé. C’est dans le camp de déplacés que j’ai entendu parler du centre Hiwyet. »

Ce centre situé dans un quartier calme et résidentiel de Makalé, la capitale du Tigré, accueille depuis début 2023 les femmes victimes de violences sexuelles durant la guerre (2020-2022). Depuis son ouverture, l’association Hiwyet a pris en charge « près de 6 000 survivantes de 5 à 80 ans », selon sa fondatrice Meseret Hadush.

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