Impératif de défense et réalités budgétaires

Médiatiquement préparé par une conférence de presse inédite du chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard, vendredi 11 juillet, puis par un entretien du ministre des armées, Sébastien Lecornu, à La Tribune dimanche, le discours prononcé, dimanche, par le président de la République devant les armées était important par le contexte dans lequel il s’inscrit : celui du réarmement européen face à un monde qui bascule dans les rapports de force et l’effondrement du droit international.

La France entend prendre sa part dans ce réarmement, la part qui revient à un pays doté de l’arme nucléaire, le seul en Europe avec le Royaume-Uni. Emmanuel Macron a souligné le rôle de leader que Paris a joué dans différentes initiatives récentes visant à faire face à la menace russe, notamment aux côtés de Londres, y compris dans le domaine de la dissuasion. Il a aussi fortement appuyé la revendication d’une dimension européenne de cet indispensable effort de défense, plaidant pour un pilier européen de l’OTAN. Face à un « allié américain qui affiche son désengagement », a-t-il reconnu, « nous, Européens, devons désormais assurer notre sécurité nous-mêmes ».

Mais si « pour être libre, il faut être craint », le chef de l’Etat a aussi rappelé que « pour être craint, il faut être puissant ». Or la puissance a un coût. C’est là toute la limite de l’exercice auquel se livre M. Macron depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022. Son diagnostic des menaces géostratégiques est tout à fait juste et sa volonté d’organiser la défense de la France dans un cadre européen ne peut être mise en doute. Mais l’état de surendettement de la France est un frein manifeste aux ambitions qu’il expose.

Même avec l’importante rallonge annoncée dimanche par le président de la République, qui portera le budget militaire à 64 milliards d’euros en 2027, la France reste, à l’horizon 2030, très en deçà de l’enveloppe de 100 milliards d’euros que M. Lecornu considérait en mars comme le « poids de forme idéal » pour faire face aux nouveaux défis.

Trop courts aux yeux des uns, les 6,5 milliards d’euros annoncés d’ici deux ans n’en restent pas moins un fardeau pour les autres. Le premier ministre, François Bayrou, doit en tenir compte pour caler le plan d’ajustement qu’il présentera mardi à la presse pour tenter de ramener le déficit public, de 5,8 % du produit intérieur brut cette année à 4,6 % en 2026. Pour conjurer le risque que les dépenses civiles apparaissent sacrifiées au profit de la défense, l’Elysée et Matignon affirment de concert que l’effort militaire sera financé par « plus d’activité et plus de production ».

Outre des coupes prévisibles dans les dépenses de l’Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales, les annonces de M. Bayrou devraient porter sur de nouvelles réformes touchant l’assurance-chômage et le marché du travail, sans garantie qu’elles soient mieux reçues que les économies budgétaires. Jusqu’à présent, tous les ajustements conduits au nom du « travailler plus » ont été vigoureusement contestés.

Dans son allocution du 5 mars, Emmanuel Macron avait prévenu que la brutalité du monde exigerait « des réformes » et « du courage ». Son exhortation n’a, jusqu’à présent, guère eu d’effet sur les différentes forces politiques, en dépit d’une prise de conscience de l’opinion publique. Placé dans l’inconfortable position de fusible, François Bayrou découvrira mardi, au terme de ses annonces, si les élus ont évolué ou si un décalage persiste entre ce qui se passe sur la scène internationale et ce qui se joue sur le théâtre national.

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