Quand on le voit, comme surgi des flots, ligoté sur un radeau, on ne donnerait pas cher de sa peau. Corto Maltese, déjà, est secouru par le sombre capitaine Raspoutine, son vieil ennemi, qui n’attend qu’une occasion pour se débarrasser de lui. Mais, surtout, l’intrigue a commencé quatre pages plus tôt et regorge déjà de héros potentiels : l’océan Pacifique, qui semble tenir la plume, promettant quelques prouesses stylistiques ; Caïn et Pandora Groovesnore, les deux cousins adolescents rescapés d’une mutinerie… Introduit par le dessinateur italien Hugo Pratt (1927-1995) comme un personnage secondaire, Corto Maltese ne se contentera pas de voguer des océans lointains à la lagune de Venise : il révolutionnera la bande dessinée, dont les ambitions littéraires étaient alors plus que modestes.
La parution de La Ballade de la mer salée, en 1975, chez Casterman, huit ans après sa sortie en Italie, a, en effet, tout changé. Corto Maltese n’est pas un total inconnu en France : plusieurs de ses aventures ont été publiées, sous forme d’épisodes dans Pif Gadget et dans France Soir au début des années 1970, et en tant que beaux livres chez l’éditeur de luxe Publicness.