A Marseille, un temple du prêt-à-porter fait son inventaire colonial

Les vestiges de l’histoire sont là, au milieu des piles de tee-shirts impeccablement rangées, des murs de chaussettes et de sous-vêtements classés par couleurs et tailles. Une grille monumentale marquée des initiales dorées « C.A. ». Un superbe sol de mosaïque au style orientaliste. Et surtout cette porte de coffre-fort épaisse de plus de 1 mètre, à travers laquelle les clients du magasin Uniqlo de Marseille pénètrent pour accéder aux cabines d’essayage. Cette grille, ce sol, ce coffre-fort, témoignent d’une opulence, mais surtout d’un passé violent et douloureux. Celui de la colonisation de l’Algérie par la France.

Un passé « comme souvent visible par tous mais illisible pour la plupart d’entre nous », constate l’historien Paul Max Morin, 37 ans, qui a entrepris de l’expliciter. Embarquant avec lui ses étudiants de deuxième année de sciences politiques dans un projet au nom évocateur : « le coffre-fort de l’Empire ».

Comme quelques milliers d’autres clients, Paul Max Morin est entré dans ce coffre pour essayer des vêtements. Mais, au printemps 2024, ce docteur en sciences politiques, spécialiste de la mémoire coloniale, chercheur associé à l’université de Stirling (Ecosse) et enseignant au campus de Menton (Alpes-Maritimes) de Sciences Po Paris depuis 2018, en est ressorti avec plus que de simples achats.

« A côté des cabines, Uniqlo a installé un panneau rédigé par un communicant qui indique que le bâtiment a été construit par la Compagnie algérienne en 1919. Ce texte raconte une histoire positive de succès… Sans jamais utiliser le mot “colonisation” ni préciser le rôle structurel que cette banque a joué dans l’exploitation de l’Algérie par la France », explique-t-il.

Recomendar A Un Amigo
  • gplus
  • pinterest
Commentarios
No hay comentarios por el momento

Tu comentario