Les combats ont cessé à Souweïda, ville à majorité druze du sud de la Syrie, et les autorités syriennes évacuaient, lundi 21 juillet, des familles de Bédouins de la ville, à la faveur d’un cessez-le-feu qui a mis fin à des affrontements sanglants entre les deux communautés, selon les médias officiels et l’Agence France-Presse (AFP).
Un correspondant de l’AFP, présent aux abords de la ville dévastée, a vu un convoi formé de quatre cars et de voitures entrer à Souweïda puis en ressortir, chargés de civils, dont des femmes et des enfants. Ils ont été conduits, selon lui, vers des centres d’accueils à Deraa, plus au sud, et à Damas, en coordination avec le Croissant-Rouge syrien, l’équivalent de la Croix-Rouge. D’après l’agence officielle syrienne SANA, quelque 1 500 personnes appartenant à des tribus bédouines doivent être évacuées.
Le cessez-le-feu entré en vigueur dimanche a mis un terme à des violences qui ont fait plus de 1 000 morts en une semaine, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Les affrontements ont éclaté le 13 juillet entre combattants de la communauté druze et des tribus bédouines, aux relations tendues depuis des décennies, et ont été compliqués par l’intervention de tribus arabes sunnites qui ont afflué d’autres régions de la Syrie en renfort aux Bédouins. Des exactions massives ont été rapportées par des ONG et des témoins, notamment des exécutions sommaires de Druzes sur une large échelle.
Ces violences, qui interviennent après les massacres de centaines de membres de la communauté alaouite en mars sur le littoral, fragilisent encore plus le pouvoir islamiste d’Ahmed Al-Charaa, qui s’est pourtant engagé à protéger les minorités, dans un pays meurtri par près de quatorze ans de guerre civile.
« Nous sommes parvenus à une formule qui nous permet de désamorcer la crise en évacuant les familles de nos compatriotes bédouins et des tribus qui se trouvent actuellement dans la ville de Souweïda », a annoncé le chef de la sécurité intérieure dans la province de Souweïda, le général Ahmad Dalati, à la télévision officielle.
Les autorités avaient annoncé un cessez-le-feu samedi, mais il n’est entré en vigueur que dimanche, après le retrait des combattants bédouins et des tribus d’une partie de la ville de Souweïda, dont les groupes druzes ont repris le contrôle.
L’annonce du cessez-le-feu par Damas est intervenue quelques heures après une déclaration de Washington affirmant avoir négocié une trêve entre la Syrie et Israël, qui affirme vouloir protéger les Druzes, une minorité implantée aussi en Israël. Cet accord a permis le déploiement des forces gouvernementales dans la province – mais pas dans la ville même de Souweïda –, ce que refusait jusqu’alors Israël.
Israël, qui abrite une minorité druze, avait bombardé des positions gouvernementales à Souweïda et à Damas plus tôt dans la semaine, pour contraindre les forces gouvernementales à se retirer de la région.
L’émissaire spécial des Etats-Unis pour la Syrie, Tom Barrack, a déclaré sur le réseau social X que le prochain pas vers « une désescalade durable est un échange complet d’otages et de détenus, dont la logistique est en cours ».
Un premier convoi d’aide humanitaire est entré dimanche dans la ville sinistrée, privée d’eau et d’électricité et où les vivres commençaient à manquer. Le convoi comprenait 32 véhicules chargés de vivres, de matériel médical, de carburant et de sacs mortuaires, selon Omar Al-Maliki, porte-parole du Croissant-Rouge syrien. La morgue de l’hôpital gouvernemental de Souweïda est pleine et des corps jonchent le sol à l’extérieur de l’établissement, a constaté dimanche un photographe de l’AFP.
Sur les murs de maisons de la ville, dans un quartier qui a connu de violents affrontements, les assaillants ont laissé des graffitis comme « Porcs de Druzes » ou « Nous venons vous égorger », selon un photographe de l’AFP.
Les violences ont fait plus de 1 100 morts en une semaine, selon le dernier bilan fourni par l’OSDH. Ce bilan inclut 427 combattants et 298 civils druzes, dont 194 « exécutés sommairement par des membres des ministères de la défense et de l’intérieur ». Dans l’autre camp, 354 membres des forces gouvernementales et 21 Bédouins sunnites ont été tués. Par ailleurs, 15 membres des forces gouvernementales ont été tués dans des frappes israéliennes, d’après l’ONG. Près de 128 000 personnes ont été déplacées par les violences, d’après l’Organisation internationale pour les migrations.
Des affrontements avaient opposé en avril des combattants druzes aux forces de sécurité près de Damas et à Souweïda, faisant plus de 100 morts. Présente principalement à Souweïda, la communauté druze de Syrie comptait avant la guerre civile quelque 700 000 membres. Cette minorité est aussi implantée au Liban et en Israël.
En mars, plus de 1 700 personnes, essentiellement des membres de la communauté alaouite dont est issu l’ex-président Bachar Al-Assad, avaient été tuées dans des massacres après des affrontements dans l’ouest du pays, selon l’OSDH.