On est venu tôt, avant que le vent ne disperse les nuages et que le soleil n’emplisse de monde la plage de Kermor, à mi-chemin entre Sainte-Marine et l’Ile-Tudy, en Finistère sud. Mais à cette heure-ci, la longue bande de sable s’étire sans fin, quasi déserte sous l’horizon plombé. « Un vrai ciel bigouden », salue, satisfait, Stéphane Lavoué, venu prendre la photo. Pour les photographes comme lui, rien de pire que les azurs tranchants, et rien de plus gratifiant que de capturer dans l’objectif une des grandes figures du photojournalisme : Jane Evelyn Atwood.
A 77 ans, elle a l’air d’une gamine du haut de son « five-feet-two » (1,57 mètre) et ses cheveux de la couleur du ciel. Celle qui s’est fait connaître au début des années 1980 avec ses clichés intimes de prostituées parisiennes, puis par son travail – étalé sur plus de dix ans – dans les prisons de femmes à travers le monde, celle qui a passé plus de quatre mois à photographier Jean-Louis, malade du sida, jusqu’à ce qu’il s’éteigne, celle qui a ouvert les portes des institutions pour aveugles, arpenté l’Angola et l’Afghanistan, témoignant des ravages humains des mines antipersonnel, ou capturé les rues d’Haïti détruites par un tremblement de terre, a toujours privilégié le temps long pour traquer l’impermanence des choses. Autour de nous, l’horizon marin semble flotter sur l’éternité.