Des fidèles s’agenouillent devant l’autel pour embrasser la croix en argent, posée à côté de la Bible dans un écrin de velours. Un prêtre met en garde les visiteurs : depuis une semaine, il est interdit de prendre des photos. A l’extérieur de l’église, des familles endimanchées pour un baptême prennent la pause devant l’édifice sous une chaleur caniculaire, tandis que des prêtres en robe noire vont et viennent d’un pas vif, le visage fermé. Une fébrilité inhabituelle règne à Etchmiadzine, le siège spirituel de la puissante Eglise apostolique arménienne, engagée dans une confrontation d’une ampleur inédite avec le gouvernement.
Tout a commencé le 10 juin, lorsque le chef du gouvernement, Nikol Pachinian, a appelé les fidèles à renverser le plus haut dignitaire religieux, Karékine II, qu’il accuse d’avoir un enfant – un secret de Polichinelle en Arménie. Le catholicos avait lui-même appelé le premier ministre à démissionner après la défaite de l’Arménie dans la guerre du Haut-Karabakh en 2020. Le 20 juillet, M. Pachinian a de nouveau demandé que le prélat soit chassé. Karékine II « n’a pas encore quitté le patriarcat, profanant ainsi le sanctuaire de notre sainteté », s’est-il indigné sur Facebook.
Dans son message, le premier ministre appelle ses partisans à manifester massivement devant le saint-siège d’Etchmiadzine, où réside le catholicos, en lisière d’Erevan, pour « libérer le patriarcat de lui. Nous le ferons ensemble. Soyez prêts », ajoute-t-il, sans donner de date. Depuis, les hypothèses se multiplient sur le moment où il passera à l’acte. Certains s’attendent à une démonstration de force dimanche 27 juillet, lors du Vardavar, l’une des fêtes religieuses les plus populaires du pays, au cours de laquelle les Arméniens s’aspergent d’eau, un rite symbolique de purification.