Un célèbre avocat et leader d’un parti politique au Burkina Faso, Hermann Yaméogo, a été « enlevé » samedi 26 juillet à Ouagadougou, quelques jours après la publication d’une analyse critique de la situation sociopolitique du pays, dirigé par une junte militaire, ont indiqué dimanche ses proches à l’Agence France-Presse (AFP).
« Nous avons assisté impuissant à l’enlèvement de Me Hermann Yaméogo à son domicile à Ouagadougou par des hommes armés habillés en tenue civile », a indiqué l’AFP un proche de la famille de l’avocat. « Ils sont arrivés aux environs de 13 heures [locales et GMT], à bord de plusieurs véhicules. Certains éléments ont encerclé la maison avant que d’autres y effectuent une fouille minutieuse. Ils ont emporté ses téléphones, tous les ordinateurs et quelques documents », a-t-il détaillé.
Agé de 77 ans, Hermann Yaméogo est l’un des fils de Maurice Yaméogo, premier président (1959-1966) du Burkina Faso indépendant, alors appelé Haute-Volta. Président de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), il a publié mercredi sur les réseaux sociaux une « analyse critique » de la situation sociopolitique du pays, dirigé par un régime militaire avec à sa tête le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir après un coup d’Etat en septembre 2022.
Son analyse a été largement relayée, poussant certains à saluer son « courage suicidaire ». « Une analyse objective, lucide et courageuse de la situation nationale ne peut que conclure que notre pays se trouve, pour la première fois de son histoire contemporaine, suspendu au-dessus du vide », y écrit Me Hermann Yaméogo. « Il n’est donc plus admissible, à l’heure où nous sommes au bord du gouffre, de persister dans une voie dont l’inefficacité tragique a été démontrée par les faits », poursuit-il.
La junte militaire est accusée d’utiliser de manière abusive un décret de mobilisation générale dans le cadre de la lutte antidjihadiste pour réprimer les voix discordantes, réquisitionnées de force pour combattre au front.
« Nous ignorons jusqu’à présent où Me Yaméogo a été conduit, ou s’il a déjà été envoyé au front comme d’autres avant lui », a souligné à l’AFP un autre proche de l’avocat, confirmant son enlèvement. « Il est malade et sous traitement médical mais ils ne l’ont laissé prendre aucun de ses médicaments », a-t-il déploré.
Le régime militaire a récemment libéré huit personnes réquisitionnées de force dans la lutte antijihadiste, notamment des journalistes, leaders de la société civile ou proche d’homme politique. En revanche, le sort de dizaines d’officiers militaires accusés de « complot » ou de « tentative de déstabilisation des institutions républicaines » reste inconnu.