La France vient d’actualiser sa revue stratégique qui décrit pour les années à venir les risques auxquels notre pays se trouve confronté ainsi que les moyens d’y faire face. C’était par ailleurs le thème de l’intervention traditionnelle du président de la République à la veille du 14-Juillet. Au regard de leur importance, ces travaux et ce discours n’ont eu qu’un faible écho. Pourtant, ce qui a été énoncé aura des conséquences concrètes pour les Français dès le budget de 2026 et impliquera, sur le moyen terme, une véritable reconfiguration de l’Etat, bien au-delà de notre seul appareil militaire.
Le document ministériel analyse dans toutes ses composantes un véritable basculement dans un monde de plus en plus dangereux. La menace russe est placée au premier plan, peut-être trop, ce qui a pour effet de relativiser les autres risques qui pourtant ne sont pas négligeables. Le postulat est que la France doit être prête dès 2030 à affronter, dans le même temps, un conflit de haute intensité ainsi que des opérations de déstabilisation sur le sol national. Une sombre perspective à laquelle il faut hélas se préparer dans l’espoir de dissuader nos adversaires.
C’est là que les choses se compliquent. Car si l’on prend au sérieux le scénario envisagé – et il est malheureusement raisonnable de le faire –, il faut aussitôt dire que la revue stratégique n’est pas du tout convaincante sur notre capacité à être au niveau requis en temps voulu (2030). Certes, sur ce qu’il convient de faire, tout est vu et tout est dit ; toutefois, le passage à la réalisation est peu crédible. Les services ont édifié une sorte de ligne Maginot, qui ne tient que sur le papier. Les intentions et les fiches action sont déjà tenues pour des actes.
A l’abri de cette rassurante fiction, le chef de l’Etat peut mettre en scène sa lucidité et son volontarisme. Pour lui, l’essentiel étant acquis, il ne reste qu’à accélérer. Mais c’est ignorer quelques faits têtus qui indiquent que nous sommes encore très loin du compte.