Sur l’Everest, un sauvetage redéfinit la notion d’exploit

L’homme est assis dans la nuit noire, sur le bord de la trace, vers 8 500 mètres d’altitude. Son compagnon filme son visage gris, tiré de fatigue, encadré par deux bras noués autour de son cou. Derrière, dans la pénombre, une femme s’accroche à son dos comme une naufragée, les yeux clos, le visage dissimulé sous un masque à oxygène. Le matin, à 6 h 30, cette cliente chinoise s’est effondrée, à demi-inconsciente, alors qu’elle n’était plus qu’à quelques dizaines de mètres du sommet de l’Everest. A cette hauteur, les corps sont attirés vers la cime comme un astéroïde par une planète géante. La cliente chinoise n’a pas résisté à l’attraction. Elle aurait dû mourir là.

Ses deux guides sherpas l’ont réanimée, puis, pendant toute la journée et une partie de la nuit, se sont relayés pour la tirer ou la porter sur leur dos, dans la descente le long de l’arête effilée. Eux n’ont pas de masque à oxygène. Ils gardent les dernières réserves pour leur cliente.

Sur la vidéo, filmée dans la nuit du 18 au 19 mai, on voit le sherpa se relever, réajuster son fardeau d’un coup de reins et se mettre en marche d’un pas énergique. Son compagnon le suit, on entend sa voix essoufflée : « C’est vraiment dur, un nouveau chapitre pour les sherpas et les choses qu’on porte… »

Il s’assied : « C’est vraiment difficile et ce sera encore pire si elle va plus mal… Alors on se relève. Une seule erreur, game over… On ne peut pas la laisser mourir, on la porte pour la redescendre au camp IV. C’est si dur, si dur… Mais on ne va pas abandonner. »

Il repart, on compte cinquante pas avant qu’il s’asseye de nouveau. Un colosse de foire ferait le spectacle en marchant cinquante pas en bord de mer, une masse molle de 50 kilos sur le dos. Mais en crampons sur des pentes vertigineuses, les plus hautes du monde, où l’air est trois fois plus léger et les corps trois fois plus lourds ?

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