Le 28 avril, Elon Musk demande à son intelligence artificielle (IA) Grok de se définir elle-même. La communication du patron de Tesla peut parfois être cryptique, ce n’est un secret pour personne. Ses publications sur X, et jusqu’au prénom de ses enfants diront certains, se révèlent de redoutables énigmes pour qui ne possède pas les codes. Alors, cette définition de soi est l’occasion pour les béotiens d’apprendre que la marque Grok est un hommage au romancier Robert A. Heinlein (1907-1988).
Heinlein est considéré avec Isaac Asimov (1920-1992) et Arthur C. Clarke (1917-2008) comme l’un des trois grands de l’âge d’or de la science-fiction américaine, de la fin des années 1930 aux années 1960. Dans son classique En terre étrangère, best-seller paru en 1961 (Robert Laffont, 1970, pour l’édition française), un natif de la planète Mars y désigne toute chose sur Terre par « grok ». La signification du néologisme a été fournie par Musk en février de cette année, dans un post sur X conforme à l’esprit du roman de Heinlein : « “Grok” signifie comprendre pleinement et profondément quelque chose. »
Heinlein est ingénieur et militaire de formation. S’il est un fidèle représentant de la hard science-fiction, un courant qui fait la part belle aux auteurs comme lui férus de sciences et de technologies, il est également soucieux de psychologie, comme il l’expliquait en 1947 dans une conférence : « Trop de soi-disant récits de science-fiction oublient les êtres humains et leurs problèmes. » En terre étrangère raconte les affres d’un humain, né sur Mars et élevé dans la culture propre à cette planète, lors de son retour sur Terre. Le livre est un conte philosophique à la façon des Lettres persanes (1721), de Montesquieu, note Gérard Klein, éditeur historique de science-fiction en France. En butte à des intrigues politiciennes qui le dépassent, Valentine Michael Smith, le héros, est fort dérouté par les Terriens avides de pouvoir et de propriété.