C’est le soleil qui les a réveillés. Provoquant presque chez eux deux un sursaut. En quelques semaines, ils ont déjà perdu l’habitude de la sensation que c’est, la lumière qui vient trouer l’air de sa cascade dorée et la chaleur sur leur peau. Ils ont quitté Nice pour s’installer à Rouen début mai et, depuis, dans leur vie, il pleut. Tout le temps, printemps ou été, il pleut. La semaine précédente, un matin, le nez collé à la fenêtre, la sœur a dit au frère qu’elle avait peur de ne plus jamais revoir le soleil. Le frère, parce que c’est le grand frère, a voulu la rassurer, ne t’inquiète pas, une ville sans soleil, c’est comme les monstres, ça n’existe pas, mais lui-même avait des doutes.
D’ailleurs, la quasi-totalité des composantes de leur nouvelle vie avait tendance à fabriquer du doute. Tout est si différent, ici. Les couleurs, d’abord : du gris, du marron. Tout semble très ancien. Et, pourtant, il a entendu que la ville avait été reconstruite après la guerre ; il ne comprend pas, ça devrait avoir l’air neuf, pas vieux. Eux, ils ont grandi dans le rose et le bleu de Nice, dans la mer et le soleil. Le seul gris qui régnait : les galets de la plage. Et puis leur père a été muté. Et les voilà à Rouen. Ici, il y a la pluie, et puis il y a les églises. Ils n’en ont jamais vu autant. A tous les coins de rue.