Quand arrive l’instant fatal, le moment de trouver un titre à son œuvre, l’auteur d’un roman ou d’une nouvelle « noir », d’un thriller ou d’un récit fantastique, est confronté à deux options : annoncer la couleur ou avancer masqué, taper du poing sur la page ou balayer l’horreur sous le tapis. Ainsi pourra-t-il choisirde tendre vers Le Portrait ovale (1842) ou Le Masque de la mort rouge (1842), vers La Redevance du fantôme (1876) ou Un coin plaisant (1908), selon qu’il est plutôt Edgar Allan Poe ou Henry James.
En décidant d’intituler Les Bons Voisins son septième roman – édité et traduit fidèlement par Tristram et Bernard Sigaud –, la romancière et nouvelliste britannique Nina Allan a donc opté pour la seconde option : un titre paisible, doux comme un plaid, fleurant bon la mitoyenneté heureuse, la tarte tiède et le gazon tondu. Mais gare ! La petite maison sur la falaise frôle le vide, et l’autrice de La Fracture (Tristram, 2019), avec son goût fieffé pour les disparitions énigmatiques, la solitude et la marginalité sociale, les enfants prodiges et les fous furieux, se fait de la vie en commun une idée fort gothique, sombre et conflictuelle.