« Le feu d’artifice du 14-Juillet était magnifique ! Et la veille, le 13, j’en voyais sept en même temps. Au moins une chose appréciable dans cette tour ! » Malgré cet enthousiasme pyrotechnique, Nadia Arfaoui se passerait volontiers, ces temps-ci, de la vue imprenable sur le ciel changeant de l’agglomération parisienne, dont elle jouit par la fenêtre de son 16e étage. Pour rejoindre la terre ferme, faute d’ascenseurs qui fonctionnent correctement, il lui faut souvent emprunter l’escalier, deux volées de huit marches à chaque étage. A la montée, « je dois m’arrêter tous les deux niveaux pour souffler », raconte cette assistante maternelle. Les parents qui lui confient leur progéniture franchissent les 256 marches matin et soir, enfants sous le bras, « sans compter les fois où le doudou est oublié en bas ». Epuisant pour eux et culpabilisant pour la professionnelle, contrainte de les priver de sortie. « J’ai honte, je risque mon métier », confie-t-elle.

L’enfer a commencé avec l’année nouvelle, pile dans la nuit du 31 décembre 2024 au 1er janvier 2025. Les deux ascenseurs d’une des tours Lénine, 17 étages de logements sociaux, construite en 1970 dans le quartier de la Noue, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), se sont bloqués. Le 19 février, lorsque l’une des deux cabines s’est enfin remise à fonctionner, Nadia Arfaoui a cru revivre : « On descend tous les jours au square, avec les enfants ! », confiait-elle alors. Las, le mécanisme a de nouveau fait défaut en mars. Fin avril, de jeunes vandales ont vidé le contenu d’un extincteur dans l’une des cabines, endommageant l’appareil. Et, en juin, c’est en pleine canicule qu’il a fallu monter les étages à pied. Les pannes intempestives durent quelques jours. Puis tout se remet à fonctionner normalement, avant que les mécanismes déraillent à nouveau. « Quand je descends promener le chien, je prends mon téléphone, j’ai la trouille à chaque fois », confie la locataire du 16e. Pour les résidents, l’ascenseur est d’abord émotionnel.