Il fut un temps où Olaf Scholz bataillait contre le renforcement de la présence militaire des Etats-Unis en Allemagne. C’était au début des années 1980. Au sein du Parti social-démocrate (SPD), le jeune Scholz comptait alors parmi ceux qui s’opposaient au chancelier Helmut Schmidt (1974-1982), lequel s’était dit favorable à l’installation de missiles Pershing américains en Allemagne de l’Ouest, en réponse au déploiement de SS-20 soviétiques à l’est du rideau de fer.
Cette époque est révolue. Jeudi 11 juillet, M. Scholz a salué la décision prise par les Etats-Unis d’installer, de manière ponctuelle, des missiles de longue portée outre-Rhin, à partir de 2026. « Cela va contribuer à la dissuasion et cela va garantir la paix », s’est félicité le chancelier allemand depuis Washington, où se tenait le 75e anniversaire de la création de l’OTAN. La veille, la Maison Blanche avait annoncé que les Etats-Unis allaient déployer des missiles SM-6 à très longue portée, des missiles Tomahawk ainsi que des missiles hypersoniques en voie de développement.
Outre-Rhin, la nouvelle n’a pas fait l’unanimité. « Cela va augmenter le risque pour l’Allemagne de devenir un théâtre de guerre », a alerté Sahra Wagenknecht, ancienne dirigeante du parti de gauche radicale Die Linke, qui a fondé, il y a six mois, un nouveau mouvement politique, résolument progressiste sur les questions sociales, ultraconservateur sur les sujets sociétaux et déjà crédité de 15 % à 20 % des intentions de vote aux élections régionales prévues en Saxe, en Thuringe et dans le Brandebourg, trois Länder d’ex-Allemagne de l’Est, les 1er et 22 septembre.
En Russie, les chaînes de télévision au service du Kremlin n’ont pas tardé à réagir. Avec, une nouvelle fois en une, les citations de Dmitri Medvedev, l’ex-chef du Kremlin devenu vice-président du conseil de sécurité russe. En guise d’analyse du sommet de l’OTAN de Washington, il a expliqué sur son blog que « la conclusion [était] évidente » : « Nous devons tout faire pour que la “trajectoire soit irréversible” », à savoir que l’Ukraine disparaisse ou, au contraire, que l’OTAN se disloque.
« Nous développerons une réponse militaire à la nouvelle menace avec calme et sang-froid », a aussi prévenu le vice-ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Ryabkov. La presse moscovite, le journal réputé libéral Kommersant en tête, rappelle que les Etats-Unis n’ont pas déployé de tels systèmes au sol en Europe depuis les années 1980 et que c’est la première fois, depuis la guerre froide, que des systèmes d’armes capables d’atteindre le territoire russe seront présents sur le territoire allemand. « C’est un nouveau maillon dans la chaîne de l’escalade », a fustigé Sergueï Ryabkov, dénonçant « une tactique d’intimidation, fondement de la politique de l’OTAN et des Etats-Unis menée à l’égard de la Russie ces jours-ci ».