Qu’est-ce qui est poilu, vert fluo et s’accroche à l’épaule ou au creux du bras ? Il aurait pu s’agir du dernier modèle de Labubu, ces petits monstres en peluche venus de Chine et qui envahissent espace public et réseaux sociaux. Mais la réponse est plutôt à regarder du côté de la mode, puisque ledit objet est en réalité un cabas XXL signé Phoebe Philo. La créatrice britannique a en effet présenté, dans sa dernière collection, un grand sac en velours bouclé vert acide.
Pomme, citron, chartreuse… Les noms diffèrent quand il s’agit de baptiser cette teinte longtemps oubliée des podiums mais qui détonne cette saison aux côtés des bruns, bordeaux et gris, de rigueur en automne. Comme un trait de surligneur fluo au milieu de silhouettes plus sombres, elle vient ainsi colorer un body en dentelle Gucci, un trench à épaules carrées Saint Laurent, une robe fendue Hermès ou encore un manteau Prada.
Ce vert acide a pourtant mauvaise presse, notamment parce qu’il a longtemps été considéré comme toxique. Quand, en 1775, le chimiste suédois Carl Wilhelm Scheele invente ce qui deviendra le vert de Scheele, on se réjouit de cette teinte éclatante, facile et économique à produire, qui vient remplacer les coûteux pigments verts utilisés jusqu’alors.
Des tapisseries aux jouets en passant par les toilettes pour dames, il s’impose rapidement dans le quotidien des Européens. Avant que l’on découvre sa haute teneur en arsenic et sa dangerosité. Le vert de Paris, inventé moins de quarante ans plus tard, et contenant lui aussi son lot de produits délétères, ne fera pas bien mieux et finira même transformé… en pesticide.
Dans la culture populaire aussi, cette couleur eut longtemps mauvaise réputation, devenant le symbole de la radioactivité, du nucléaire et d’un futur rarement joyeux. Le meilleur exemple étant sans aucun doute Soleil vert (1973). Le film, qui se déroule en 2022, met en scène un New York de fiction où les humains, ayant épuisé la quasi-totalité des ressources naturelles, en sont réduits à ingérer le fameux soleil vert, ersatz d’aliment conditionné sous forme de tablettes. Ces dernières sont nimbées d’une drôle de couleur verte qui n’inspire pas confiance.
Longtemps symbole de poison ou de catastrophe, ce vert a pourtant trouvé une nouvelle vie dans les festivals et autres raves, saturant vêtements et accessoires, et devenant indissociable d’un certain esprit de la fête, tout en hédonisme et néons fluorescents. Voilà peut-être pourquoi cette nuance connaît aujourd’hui un vrai succès : alors que l’automne signe le retour d’une garde-robe plus sobre, ce vert fluo rappelle aussi qu’il n’y a pas de saison pour s’amuser.