Le premier ministre, Sébastien Lecornu, a esquissé, dans une interview au Parisien publiée vendredi 26 septembre, les principaux chantiers qui l’attendent, en premier lieu desquels la présentation du budget 2026. Un début de feuille de route rejeté par la gauche, qui brandit déjà la menace d’une censure.
Au sujet du projet de loi de finances, le premier ministre assure qu’il va repartir d’une « feuille blanche » et annonce qu’il prévoit un déficit public « aux alentours de 4,7 % » en 2026. « Je présenterai un budget qui tiendra compte des premières consultations que j’ai eues avec l’ensemble des organisations syndicales et patronales, et des formations politiques. C’est ce budget qui sera ensuite débattu et amendé par le Parlement à l’automne », explique-t-il, assurant vouloir « revenir au travail parlementaire », à savoir le dialogue et le « compromis ».
Le premier ministre rappelle que l’objectif reste le même : la réduction des dépenses. Il annonce ainsi « proposer une diminution de six milliards d’euros sur l’Etat et son train de vie ». « Cet effort important sur les ministères devra s’accompagner d’une réforme de long terme de l’État et de notre organisation territoriale via la décentralisation », ajoute-t-il.
Admettant qu’il existe des « attentes sociales fortes », Sébastien Lecornu assure qu’il ne présentera pas un « budget d’austérité et de régression sociale ». « Pour l’année prochaine, les moyens consacrés aux retraites augmenteront de six milliards d’euros, ceux pour la santé augmenteront de cinq milliards d’euros », avance-t-il.
Le premier ministre, qui a remplacé François Bayrou à Matignon le 9 septembre, est resté évasif quant à la date de la nomination de son gouvernement, celle-ci devant intervenir « avant le début des travaux parlementaires ». La session ordinaire démarre mercredi 1er octobre mais l’élection du bureau de l’Assemblée nationale a lieu jusqu’au jeudi 2. Interrogé par l’Agence France-Presse (AFP), Matignon n’a pas souhaité confirmer de date précise. En tout état de cause, M. Lecornu semble exclure toute volonté de « débauchage » de personnalités issues du Parti socialiste car les futurs ministres devront « partager les grandes orientations du socle commun », a-t-il précisé.
Interrogé plus précisément sur les grandes orientations qu’il souhaite donner, M. Lecornu ne donne pas beaucoup de détails.
Il écarte le retour de l’impôt sur la fortune (ISF) et estime que la taxe dite Zucman – l’économiste Gabriel Zucman propose une taxe annuelle de 2 % sur les patrimoines dépassant 100 millions d’euros – n’est pas la « bonne réponse », bien qu’il dise entendre la demande politique et sociétale de plus de justice fiscale.
Sébastien Lecornu se montre par ailleurs défavorable à la suspension de la réforme des retraites d’Elisabeth Borne, une option qui « ne réglerait aucun des problèmes » que sont pour lui la situation des femmes et la pénibilité au travail.
S’il considère que la « réforme Borne » n’est pas « achevée », il estime que « personne ne veut d’un nouveau conclave sur les retraites ». Le locataire de Matignon dit également vouloir s’« atteler en priorité avec les partenaires sociaux » aux « abus » sur les « ruptures conventionnelles » et précise vouloir « faire confiance au dialogue social ». Sur l’éventualité d’une réforme de l’assurance-chômage, M. Lecornu a simplement dit souhaiter s’y « atteler en priorité avec les partenaires sociaux ».
Le contenu de cette interview a été vivement critiqué par les responsables de gauche, qui ont immédiatement évoqué la possibilité d’une censure. « Les nigauds sont servis : Lecornu fait du Macron. Ni plus ni moins. Au moins, c’est franc. Il est temps pour la gauche de l’Hémicycle de rallier la censure “insoumise” », a posté sur X le leader « insoumis » Jean-Luc Mélenchon.
« Si on devait aujourd’hui se poser la question de savoir si l’on censure ou pas (…) nous censurerions parce qu’aucun effort n’a été réalisé », a commenté sur TF1 le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure.
Même tonalité chez la patronne des Ecologistes, Marine Tondelier, qui a également brandi la menace d’une censure, observant que M. Lecornu disait « NON à toutes les mesures de gauche » et « OUI à toutes les mesures de droite ».
Le numéro deux de la CFDT, Yvan Ricordeau, a, lui, estimé que pour son organisation « le compte n’y [était] pas » après le refus du premier ministre de suspendre la réforme des retraites et l’absence, selon lui, de propositions sur la justice fiscale.
Le président du Medef, Patrick Martin, s’est de son côté réjouit de la « priorité » donnée aux dépenses mais a cependant dénoncé « les inconnues » qui demeurent pour le projet de budget. « J’invite le premier ministre et le Parlement à prendre en compte la situation économique de plus en plus tendue et une concurrence internationale toujours plus vive dans les arbitrages et les débats à venir », a-t-il déclaré. Le Medef s’est montré totalement opposé ces dernières semaines à toute hausse des prélèvements obligatoires sur les entreprises dans le budget 2026, ainsi qu’à l’instauration d’une taxe Zucman.