Voilà dix jours que la polémique ne faiblit pas. L’actrice Charlotte Gainsbourg, qui s’affiche en défenseuse d’Israël, est-elle digne d’interpréter dans un film l’avocate Gisèle Halimi, morte en 2020, qui défendait la cause palestinienne ? Beau sujet de débat si les deux camps dialoguaient. Non, bien sûr, ils s’envoient au visage des noms d’oiseaux.
La question est théorique au sens où le biopic Gisèle, de Lauriane Escaffre et Yvo Muller, mettant l’accent sur la militante pour l’IVG, est déjà tourné ; il sortira en 2026. Elle se pose depuis que le nom de Charlotte Gainsbourg figure parmi une vingtaine de personnalités, dont Bernard-Henri Lévy, Alain Minc, Joann Sfar ou Philippe Torreton, ayant signé une tribune dans Le Figaro le 19 septembre, demandant à Emmanuel Macron de conditionner la reconnaissance d’un Etat palestinien à « la libération des 48 otages » et au « démantèlement du Hamas » – sinon ce serait « une capitulation morale face au terrorisme ».
Ce texte indigne la gauche radicale, notamment la députée européenne Rima Hassan (La France insoumise), et enflamme les réseaux sociaux, tandis qu’une pétition en ligne dénonce une « incarnation falsifiée » de Gisèle Halimi par Charlotte Gainsbourg. L’un des fils de l’avocate, Serge Halimi, ancien directeur du Monde diplomatique, ajoute dans Blast que sa mère « aurait lu cette tribune avec dégoût ». L’actrice ne s’est pas encore exprimée.
Chacun pense ce qu’il veut du texte dans Le Figaro. Chacun pense ce qu’il veut de Charlotte Gainsbourg. On pourra ne pas voir le film à cause d’elle ou le voir pour elle. On pourra saluer son interprétation ou la trouver médiocre. Mais, franchement, comme l’écrit notre confrère Luc Le Vaillant dans sa chronique le 29 septembre pour Libération, toute actrice a le droit à « une double vie », publique et privée. Ou alors c’est nier l’essence même de son métier et la portée des mots « interprétation » et « représentation ».